A l'occasion de la visite de Vladimir Poutine en France, les militants de Reporters sans frontières ont manifesté contre la reprise en main par le pouvoir des grands médias audiovisuels, contre la censure en Tchétchénie et contre l'impunité dont bénéficient les assassins de journalistes.
A l'occasion de la visite officielle de Vladimir Poutine en France, une vingtaine de militants de Reporters sans frontières ont manifesté devant les bureaux de la compagnie aérienne Aéroflot, sur les Champs-Elysées à Paris, le 10 février 2003. Les militants ont recouvert la vitrine de la compagnie d'Etat russe de portraits de Vladimir Poutine, affublé d'un nez de Pinocchio, avec l'inscription : "La Russie est une démocratie". Reporters sans frontières dénonce l'instrumentalisation des médias par le président de la Fédération de Russie, la censure entourant la guerre en Tchétchénie et l'impunité dont bénéficient les assassins de journalistes.
L'Etat poursuit méthodiquement sa politique de reprise en main des grands médias privés russes, au travers des compagnies énergétiques. En 2001, le Kremlin a pris le contrôle de la seule chaîne privée d'audience nationale, NTV, à travers la compagnie d'Etat Gazprom et, dans la foulée, celui de la chaîne de télévision semi-publique ORT, qui disposait de la plus forte audience sur tout le territoire de la Fédération de Russie. ORT, qui s'était montrée particulièrement critique envers le président Poutine au moment de l'affaire du sous-marin Koursk, a ainsi rejoint la chaîne publique RTR, sous tutelle complète de l'Etat. Cette volonté de maîtriser le secteur de l'information s'est poursuivie en 2002, avec la remise en cause de l'indépendance de la radio Ekho Moskvy et l'alliance forcée des journalistes de TV6 avec des proches du Kremlin.
Par ailleurs, les autorités multiplient les entraves à la libre information sur le conflit en Tchétchénie. Tandis que les journalistes des médias publics russes sont obligés de contourner la véritable chape de plomb imposée par l'armée pour pouvoir travailler normalement, les médias indépendants et étrangers n'ont, de fait, plus accès au pays. Depuis 1999, les journalistes n'ont pas le droit de circuler librement dans la région. En outre, depuis juillet 2001, les journalistes accrédités doivent être accompagnés par un agent du ministère de l'Intérieur pour se déplacer en Tchétchénie. En octobre 2002, une décision ministérielle a encore réduit les possibilités de couverture de la guerre. Elle définit une série de territoires, d'organisations ou d'établissements, y compris les "zones où des opérations antiterroristes sont en cours", dont l'accès n'est autorisé aux citoyens étrangers que sur permission spéciale. La directive ne précise cependant ni comment obtenir cette permission d'entrer sur le territoire tchétchène, ni combien de temps cette permission est valable. La censure sur tout ce qui a trait à la Tchétchénie s'est considérablement aggravée au moment de la prise d'otages par des rebelles tchétchènes de sept cents personnes dans un théâtre de Moscou, entre le 23 et le 26 octobre. En quelques jours, plusieurs médias, russes comme étrangers, ont été censurés pour leur couverture de cet événement.
Par ailleurs, en 2002, la Russie a été le pays où le plus de journalistes ont été assassinés, en toute impunité. Au moins trois d'entre eux ont été tués à cause de leurs activités professionnelles, dans l'indifférence générale et sans qu'aucune enquête aboutisse : Valéry Ivanov, directeur de l'hebdomadaire Toliatinskoie Obosrenie et propriétaire de Lada TV, Sergeï Kalinovski, rédacteur en chef du quotidien Moskovky Komsomolets Smolensk et Natalia Skryl, correspondante du journal Nashe Vremia, sont morts en région, loin des regards, pour avoir osé enquêter sur des affaires de corruption ou sur des problèmes écologiques. Grigory Pasko, journaliste pour le magazine écologique Ekologiya i pravo et ancien correspondant pour le journal militaire Boevaya Vakhta, a, quant à lui, passé près de trois ans en prison, accusé d'espionnage et de haute trahison pour avoir révélé la pollution nucléaire engendrée par la flotte militaire russe en mer du Japon. Il a été libéré le 23 janvier 2003 pour bonne conduite, mais il continue à se battre pour obtenir sa réhabilitation.