A l'occasion de la visite à Minsk du groupe de travail ad hoc de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE sur le Bélarus, Reporters sans frontières a fait part de sa préoccupation concernant les trois principaux problèmes qui menacent la liberté de la presse dans ce pays...
A l'occasion de la visite à Minsk du groupe de travail ad hoc de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE sur le Bélarus, du 25 au 28 mai 2003, Reporters sans frontières a fait part de sa préoccupation, dans une lettre adressée à Uta Zapf, Présidente du groupe, concernant les trois principaux problèmes qui menacent la liberté de la presse dans le pays : l'opacité du projet de loi sur les médias, les entraves à la création et à l'existence de publications indépendantes et les peines de prison prévues par la loi sur la diffamation, qui ont entraîné la détention de trois journalistes en 2002.
"Nous vous demandons, Madame la Présidente, d'aborder, dans la mesure du possible, ces questions avec les parlementaires et les différents officiels que vous aurez l'occasion de rencontrer au cours de votre visite au Bélarus", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l'organisation.
Alors qu'une nouvelle version de la "loi sur la presse et sur les autres médias", en discussion depuis septembre 2001, devait être rendue publique en mars 2003 et examinée par le Parlement le 2 avril, les autorités se sont refusées à communiquer les dernières moutures du projet. Le vote a, une fois de plus, nouveau repoussé jusqu'à l'automne 2003. L'opacité dans laquelle se prépare cette réforme empêche toute analyse de la part des organisations de défense des droits de l'homme et, ainsi, toute mise en garde contre les problèmes que peuvent soulever de nouvelles dispositions.
Si les publications indépendantes se sont multipliées dans les années qui ont suivi l'accession à l'indépendance du pays, elles sont aujourd'hui de plus en plus menacées : la création de nouveaux titres, en particulier en province, comme le maintien des journaux existants, sont rendus difficiles par le biais d'entraves administratives. Dans les six derniers mois, au moins cinq journaux ont été soit suspendus ou empêchés de paraître sous divers prétextes, suite à des décisions de justice.
Aussi, le 19 mai 2003, une cour régionale a refusé d'enregistrer la nouvelle adresse légale du journal Volny Gorad, empêchant du coup l'enregistrement du journal lui-même. Le 24 avril, le ministre de l'Information, Mikhaïl Podgainy, a ordonné la suspension pour trois mois du journal régional indépendant Pravinstsyalka parce qu'il a modifié son adresse légale et qu'il a publié des articles sur des sujets politiques sans coordination avec le ministère de l'Information et les autorités locales. Le 3 février 2003, le tribunal commercial de la région de Grodno a décidé de suspendre la licence commerciale accordée à Ramuald Ulan, fondateur de l'hebdomadaire indépendant de la ville de Smorgon, Novaya Gazeta Smorgoni, condamnant ainsi le journal à la fermeture. Le comité exécutif accusait l'entrepreneur de ne pas avoir respecté le droit du travail, la législation sur les impôts et les normes de sécurité incendie en 2000 et 2002. Le 26 novembre 2002, le ministère de l'Information a invalidé l'enregistrement de l'hebdomadaire indépendant Mestnoye Vremya, sous prétexte que sa nouvelle adresse n'avait pas été légalisée, alors que la loi ne prévoit pas de sanction aussi lourde dans ce cas. Lancé début novembre, le journal n'a pu publier que trois numéros.
Enfin, la loi sur la diffamation, sur laquelle se sont appuyés les tribunaux pour condamner, en 2002, trois journalistes à des peines de travaux forcés, continue d'être utilisée contre les voix indépendantes, comme le montre le cas de Alexander Ignatouk, rédacteur en chef du journal Vechernyi Stolin. Accusé d'avoir empêché un fonctionnaire local, Vladimir Pashkevich, d'exercer son activité professionnelle en le diffamant, le journaliste risque jusqu'à trois ans d'emprisonnement. Les condamnations de Mikolaï Markevich et Pavel Mazheïko, respectivement rédacteur en chef et journaliste du journal régional Pagonya, condamnés à des peines de travaux forcés pour insulte au président, ont été allégées au printemps 2003 : ils peuvent purger leur peine dans leur ville d'origine. Mais Viktar Ivaskevich, rédacteur en chef du journal Rabochy, est toujours en camp de travail pour avoir écrit et publié un article sur la corruption du président Loukachenko.
Avec ces emprisonnements, les autorités violent les standards internationaux en matière de liberté d'expression, selon lesquels "pour des délits tels que "écrits diffamatoires", "insultes" ou "outrage" envers le chef d'Etat (…), les peines de prison sont à la fois répréhensibles et hors de proportion avec le dommage subi par la victime", (rapport de M. Abid Hussain, Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, publié le 18 janvier 2000).
Ces journalistes doivent donc être innocentés et Viktar Ivaskevich immédiatement libéré.