Reporters sans frontières est « écœurée par la campagne de dénigrement du journaliste assassiné Deyda Hydara orchestrée par les autorités gambiennes », après la diffusion par la National Intelligence Agency (NIA, les services de renseignements), d'un rapport sur l'état de l'enquête en cours sur cette affaire. Celui-ci étale complaisamment la vie privée du journaliste et échafaude des hypothèses aberrantes sur le mobile de son assassinat.
Reporters sans frontières est « écœurée par la campagne de dénigrement du journaliste assassiné Deyda Hydara orchestrée par les autorités gambiennes », après la diffusion par la National Intelligence Agency (NIA, les services de renseignements), d'un rapport sur l'état de l'enquête en cours sur cette affaire. Celui-ci étale complaisamment la vie privée du journaliste et échafaude des hypothèses aberrantes sur le mobile de son assassinat.
« Faut-il aller jusqu'à rappeler à la NIA que Deyda Hydara est la victime, et non le suspect, de l'embuscade meurtrière du 16 décembre 2004 ? a déclaré Reporters sans frontières. Sa famille et ses amis, déjà durement frappés, n'ont pas à subir les manœuvres de diversion du gouvernement. Cette campagne de dénigrement, basée sur des procédés de police-poubelle, ne parvient pas à masquer l'incurie des enquêteurs. Car, non contente de faire la preuve de son inaptitude en publiant un assemblage de ragots, la NIA se sert de ce rapport pour salir la mémoire de notre correspondant, lâchement abattu il y a six mois par des inconnus toujours en liberté. »
« Jusqu'à aujourd'hui, nous nous étonnions des lenteurs et des errements des enquêteurs, a conclu Reporters sans frontières. Aujourd'hui, nous sommes certains qu'ils sont décidés à ne jamais découvrir la vérité et à faire preuve de la plus grande bassesse pour parvenir à leurs fins. »
Dans une interview publiée le 3 juin 2005 par le quotidien pro-gouvernemental Daily Observer, le ministre de l'Intérieur Babucarr Jatta a estimé que l'affaire Hydara était « une question nationale » et que l'assistance d'enquêteurs étrangers, comme l'a demandé Reporters sans frontières et l'associé de Deyda Hydara, Pap Saine, était « prématurée ». « La police et les agents de sécurité en Gambie doivent encore clore leurs investigations et travaillent péniblement sur l'affaire », a assuré Babucarr Jatta.
Parallèlement, le même jour, la NIA a diffusé auprès de toutes les rédactions de la capitale un rapport sur l'état d'avancée de son enquête. Ce rapport de 23 pages, dont Reporters sans frontières s'est procuré une copie, rassemble les informations compilées par les services de police, puis par la NIA, sur « l'incident (…) ayant conduit à la mort de M. Deyda Hydara ». Il souligne que les investigations ont été confiées à la NIA le 8 février 2005, après que l'inspecteur général de la police avait rédigé un « rapport intérimaire jugé inadéquat et ne fournissant aucune piste substantielle ». Alors qu'il est estampillé « confidentiel », le texte a été publié par le Daily Observer le 6 juin, sur ordre du gouvernement.
Au chapitre des « découvertes », le rapport de la NIA indique que le trihebdomadaire que codirigeait Deyda Hydara, The Point, s'était rendu célèbre pour ses « attaques virulentes et incontrôlées contre l'ensemble du présent gouvernement, d'éminents Gambiens, des institutions publiques, des entreprises privées, des hommes et des groupes d'affaires, des organisations internationales, des agents de sécurité, des personnalités internationales, etc. » Selon le texte, le journaliste avait plusieurs fois été « invité » par les services de sécurité « pour être mis en garde et conseillé, de manière à rectifier des informations erronées, particulièrement lorsqu'il avait fait erreur et s'était éloigné des règles éthiques régissant la profession ».
Entre autres « informations » compilées par la NIA, le rapport égrène ensuite des aspects strictement personnels de la vie de Deyda Hydara, sans aucun rapport avec l'assassinat. En conclusion, la NIA retient comme hypothèses privilégiées le règlement de comptes personnel, notamment de la part d'un mari jaloux, ou la volonté de dissimuler des « détournements financiers » de la part de son ami d'enfance et associé, Pap Saine.
Deyda Hydara a été assassiné par des inconnus au volant de sa voiture dans la soirée du 16 décembre 2004, alors qu'il raccompagnait chez elles deux employées de son journal. Cofondateur et rédacteur en chef du trihebdomadaire The Point, par ailleurs correspondant de l'Agence France-Presse (AFP) et de Reporters sans frontières, il était l'un des détracteurs les plus véhéments des deux nouvelles lois liberticides sur la presse, votées la veille de sa mort par le parlement gambien.
Pour soutenir sa famille et son journal, mais aussi pour s'efforcer de faire avancer une enquête stérile, Reporters sans frontières a dépêché deux missions d'enquête sur place, en décembre 2004 et avril 2005. L'organisation a ainsi pu reconstituer l'emploi du temps de Deyda Hydara le jour de sa mort et énumérer quelques pistes sérieuses que les enquêteurs, en toute logique, devraient examiner. Elle a notamment découvert que son assassinat, perpétré par des professionnels, s'inscrit dans une série d'attaques contre les journalistes et les personnages qui « dérangent ». Même mode opératoire, même contexte, utilisation récurrente de voitures sans plaque d'immatriculation, menaces de mort préalables : l'assassinat de Deyda Hydara n'a pas échappé au schéma des nombreuses atteintes à la liberté de la presse enregistrées depuis plusieurs années en Gambie, et pour lesquelles la NIA est le principal suspect ou l'artisan désigné. En outre, l'organisation a révélé, en recoupant plusieurs témoignages, que Deyda Hydara était menacé et surveillé par les services de sécurité, quelques minutes encore avant d'être assassiné à quelques centaines de mètres d'une caserne de la police.