“Recherché” par Moscou, Christo Grozev (Bellingcat) affirme à RSF : “C’est une tactique visant à m’intimider”
Placé sur la liste des personnes recherchées par la Russie le 26 décembre, le journaliste bulgare du site d'investigation Bellingcat répond à Moscou dans un échange avec Reporters sans frontières (RSF), qui lui exprime son entier soutien et appelle les autorités russes à cesser ces “intimidations odieuses”.
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Le responsable des investigations sur la Russie pour le site d’investigation Bellingcat Christo Grozev fait partie, aujourd’hui, des personnes recherchées par la Russie. Son inscription, le lendemain de Noël, sur la liste du ministère de l’Intérieur, est justifiée par Moscou par une supposée “violation d’un article du Code pénal russe”, sans plus de précision. Cette action contre ce citoyen bulgare, qui ne réside pas sur le territoire russe, ne peut être interprétée autrement que comme un avertissement envers le journaliste.
Joint par RSF, Christo Grozev réaffirme sa détermination :
"Être placé sur la liste de personnes ‘recherchées’ sans aucune indication du crime dont je suis accusé est une tactique visant à m'intimider. Ne pas pouvoir me défendre contre des crimes inconnus fait de moi – ou de tout autre journaliste dans ma situation – la cible d'atteintes physiques des services de sécurité et des mercenaires russes. Je suis sûr que l'objectif poursuivi est de limiter ma capacité à mener des enquêtes supplémentaires. Mais, en réalité, cette mise en cause illégale démontre l'efficacité de notre travail journalistique, et nous donne, à moi et à mon équipe, encore plus de motivation pour poursuivre nos enquêtes.
Christo Grozev est reconnu et respecté pour la qualité de son travail journalistique sur des sujets sensibles tels que l’empoisonnement d’Alexeï Navalny, le crash du vol MH17 à l’est de l’Ukraine en 2014, ou encore sur l’identité des suspects dans les empoisonnements au Novitchok au Royaume-Uni en 2018. Pour cette dernière enquête remarquable, il a reçu le Prix européen du journalisme d’investigation.
“Il faut que les intimidations du Kremlin vis-à-vis du peu de journalistes qui parviennent encore à enquêter sur la réalité effrayante du pouvoir russe cessent au plus vite. Ces mises en cause à l’aveugle sur des bases légales fantômes et non précisées sont ubuesques. Aujourd’hui, elles atteignent un sommet dans la triste comédie que joue le pouvoir russe. Ces avis de recherche à la façon d’un mauvais western sont de véritables appels à la chasse à la l’homme. C’est ignoble !
Le “pire cauchemar de Moscou”
Convoquée le 29 décembre au ministère des Affaires étrangères bulgare sur la mise en cause d’un ressortissant du pays, l'ambassadrice de Russie à Sofia, Eleonora Mitrofanova, a cru bon d’ironiser à l’adresse de Christo Grozev, précisant que cette mesure était “une manière de lui dire de ne plus venir” en Russie. Elle a assuré que “rien ne le menace là où il habite”, rapporte l’AFP. Pour sa part, Christo Grozev considère – comme il l’a confirmé à RSF – que sa vie et son intégrité physique sont en danger.
Créé en 2014, le site d’investigation Bellingcat est un collectif indépendant de chercheurs, d’enquêteurs et de journalistes qui a notamment enquêté sur la guerre en Syrie ou encore sur les violences commises contre les reporters lors de manifestations qui ont suivi la mort de George Floyd aux États-Unis. Dans le viseur des autorités russes depuis plusieurs années, Bellingcat est considéré comme le “pire cauchemar” de Moscou.