RDC : RSF s’inquiète de la détention au secret d’un journaliste indépendant
MISE À JOUR du 31/10/2022 : Interrogé par RSF, le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya assure que le journaliste Steve Wembi ne fait l’objet d’aucun mandat d’arrêt et qu’il n’est pas détenu par l’ANR. Le journaliste demeurant cependant toujours introuvable, le responsable du bureau Afrique subsaharienne, Sadibou Marong, appelle les autorités à prendre toutes les dispositions nécessaires pour permettre à Steve Wembi de reprendre son travail sans être inquiété et en toute sécurité.
Le journaliste Steve Wembi est introuvable depuis son arrestation musclée il y a deux jours en République démocratique du Congo (RDC). Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités congolaises de révéler son lieu de détention et de le libérer immédiatement.
Le journaliste indépendant Steve Wembi avait, lundi 24 octobre, un rendez-vous professionnel sur la terrasse d’un établissement hôtelier à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC). Selon des témoins, et l'Association des correspondants de la presse internationale (ACPI) en RDC, des membres supposés de l’Agence nationale des renseignements (ANR) l’ont arrêté et embarqué dans un véhicule de couleur blanche. Depuis, il a disparu. Le gouvernement, par la voix de son porte-parole, a jusqu'à présent démenti l’implication des agents de l’ANR.
“Nous sommes en face d’un cas de journaliste harcelé depuis des mois pour son travail, et finalement arrêté et détenu arbitrairement et au secret, s’inquiète le responsable du Bureau Afrique subsaharienne de RSF, Sadibou Marong. Les autorités congolaises doivent non seulement faire toute la lumière sur cet enlèvement, dire la vérité sur le sort de Steve Wembi mais aussi prendre toutes les dispositions pour le faire libérer immédiatement.”
RSF s’est entretenu avec un des proches confrères du journaliste, Pascal Mulegwa, correspondant à Kinshasa de Radio France Internationale (RFI). Il a confirmé la disparition de Steve Wembi depuis lundi 24 octobre et indiqué que lui-même et sa famille qui partaient à sa recherche ont été brutalement interpellés.
“J’étais parti pour m’enquérir de la situation de Steve devant l’établissement où il a été aperçu pour la dernière fois, mais les agents de l’ANR m’ont brutalement interpellé. J’ai même été dépossédé d’une importante somme d’argent dans leurs locaux où ils m’ont amené. Des membres de sa famille ont aussi été brutalisés avant moi”, a-t-il expliqué.
L’arrestation et la disparition de Steve Wembi, journaliste ayant travaillé avec plusieurs médias internationaux dont le New York Times, témoignent d’une situation dangereuse pour les journalistes en RDC. Ils sont très souvent harcelés sur les réseaux sociaux et pris à partie par des agents de l’ANR et des membres des formations politiques.
Contactée par RSF, la directrice de la communication du New York Times, Nicole Taylor a partagé son inquiétude : “Nous restons préoccupés par la sécurité de Steve. M. Wembi est un journaliste indépendant réputé qui a travaillé pour des médias parmi lesquels le New York Times, même s'il n'est pas actuellement en mission pour le Times.”
Le 30 mai 2022, Steve Wembi lui-même, les journalistes Stany Bujekera du média en ligne congolais actualité.cd, et John Lungila, de la chaîne de télévision Educ TV, ont vu leurs photos publiées sur twitter accompagnées de menaces de mort.
En août, le journaliste Joseph Kazadi a été libéré sans conditions après trois semaines de détention. Dix-neuf journalistes ont été arbitrairement arrêtés depuis le début de l’année, selon un décompte provisoire fait par RSF.
La RDC occupe la 125e place sur 180 au Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.