Répression contre le journalisme au Nicaragua : où est Fabiola Tercero, portée disparue depuis le 12 juillet ?
Malgré la libération de 135 prisonniers politiques au Nicaragua, toujours aucune nouvelle de la journaliste Fabiola Tercero Castro, portée disparue depuis le 12 juillet dernier. Reporters sans frontières (RSF) demande au gouvernement nicaraguayen de faire d'urgence la lumière sur son cas et de garantir sa sécurité, car il y a de plus en plus de craintes que les autorités soient impliquées dans sa disparition.
Depuis le 12 juillet 2024, personne n'a vu ou entendu parler de la journaliste indépendante et militante féministe Fabiola Tercero Castro. Ce jour-là, elle avait signalé une descente à son domicile par des agents du gouvernement sous le commandement de la commissaire Lidia Baltodano.
Contrairement au journaliste Victor Ticay, Fabiola Tercero ne fait pas partie des 135 prisonniers politiques libérés le 5 septembre dans le cadre des négociations entre le Guatemala et les États-Unis. D'après les informations dont dispose RSF, il n'existe aucune trace de son transfert à La Esperanza, la prison où sont habituellement détenues les femmes. La disparition prolongée de Fabiola Tercero soulève de sérieuses inquiétudes. Elle s'est volatilisée juste après la perquisition de sa maison – ce qui suggère la possibilité d'une implication du gouvernement.
“Nous sommes profondément troublés par le fait que Fabiola Tercero ait disparu juste après avoir signalé une descente de police à son domicile, il y a trois mois. Il y a des raisons légitimes de soupçonner l'implication de représentants du gouvernement, et il est de la responsabilité des autorités nicaraguayennes de communiquer immédiatement toute information sur le lieu où se trouve Fabiola Tercero. RSF se félicite de la libération de Victor Ticay mais souligne que la disparition non résolue de Fabiola Tercero met en lumière les menaces qui pèsent sur les journalistes au Nicaragua.
La possible disparition forcée de Fabiola Tercero n'est pas surprenante compte tenu de la répression véhémente exercée par le Nicaragua envers les journalistes. Même les 135 prisonniers libérés, qui peuvent désormais demander l'asile politique dans des pays comme les États-Unis et le Costa Rica dans le cadre de la “Safe Mobility Initiative” (ou initiative “mobilité sûre”), ont fait l'objet d'une dernière mesure punitive : leur nationalité nicaraguayenne leur a été retirée, interdisant tout retour dans leur pays d'origine.
Parmi ces prisonniers, Victor Ticay était incarcéré depuis avril 2023 pour avoir couvert une cérémonie religieuse pour la chaîne de télévision privée Canal 10. De même, Nohelia Gonzalez, une journaliste chevronnée qui a travaillé comme responsable de l'information pour le journal La Prensa pendant plusieurs décennies, a été expulsée du pays en juillet en raison de ses liens avec l’évêque Rolando Álvarez, très critique du régime Ortega.
Ces sanctions s'inscrivent dans le cadre d'une répression plus large des médias : plus de 200 journalistes ont été expulsés ou contraints à l'exil depuis 2018, le gouvernement nicaraguayen intensifiant sa répression de la liberté de la presse, selon la Fondation pour la liberté d'expression et la démocratie (FLED). Le 11 septembre 2024, le Nicaragua a accéléré une réforme de la loi sur la cybercriminalité, qui a intensifié les représailles contre les critiques et les journalistes. La loi criminalise le partage de toute information sur les médias sociaux jugée nuisible ou fausse par le gouvernement, mais son manque de définitions claires ouvre la voie à une application arbitraire.