Protection des sources : la Cour suprême du Canada se prononce contre le reporter de VICE
Dans l’affaire VICE, la Cour suprême du Canada s’est prononcée, le 30 novembre, contre le reporter Ben Makuch, sommant ce dernier de remettre à la gendarmerie royale (RCMP) l’intégralité de ses communications avec l’une de ses sources, un présumé combattant pour l’organisation de l’Etat islamique. Une décision alarmante.
“Contraindre un journaliste à remettre à la police toutes ses communications avec une source pour les besoins d’une enquête est une atteinte à l’indépendance des journalistes, déclare Margaux Ewen, directrice du bureau Amérique du Nord de Reporters sans frontière (RSF).Cette indépendance est cruciale pour pouvoir recueillir des informations. Cette décision est d’autant plus alarmante qu’elle a été rendue par la plus Haute cour du Canada. A l’avenir, cela pourrait dissuader des reporters de couvrir certaines actualités. Il s’agit non seulement d’un coup dur pour Vice et pour le journaliste Ben Makuch, mais également pour l’ensemble des journalistes et des rédactions qui travaillent au Canada.”
Ce jugement de la Cour suprême vient confirmer deux décisions rendues en première instance dans une bataille judiciaire qui remonte à 2015. La RCMP avait à l’époque obtenu une ordonnance judiciaire l’autorisant à saisir l’intégralité des communications entre Ben Makuch et Farah Shirdon, un citoyen canadien présumé terroriste au sein de l’organisation de l’Etat islamique. La RCMP est désormais en mesure de faire appliquer cette ordonnance.
“C’est un jour noir pour la liberté de la presse, l’un des garants de la démocratie, a affirmé un représentant de VICE. Nous avons perdu cette bataille mais notre combat n’est pas prêt de s’arrêter car la presse libre est fondamentale pour la recherche de la vérité et la compréhension du monde dans lequel on vit.”
Une coalition internationale de 12 organisations de défense de la liberté de la presse et des libertés civiles, dont RSF,avaient plaidé aux côtés de Ben Makuch devant la Cour suprême le 23 mai, stipulant que la protection des sources relevait de la liberté de la presse. Sans cela, les journalistes ne seraient plus en mesure de remplir leur rôle de garde-fou car leurs sources pourraient ne plus vouloir divulguer d’informations d’intérêt général.
La protection des sources journalistiques est de plus en plus menacée au Canada. Bien qu’une loi sur ce sujet ait été adoptée en octobre 2017, une journaliste d'investigation à Radio-Canada, Marie-Maude Denis, a tout de même reçu l'ordre de révéler ses sources en mars dernier. Dans cette affaire, la justice a estimé que l'intérêt public l’emportait sur la protection des sources journalistiques. Radio-Canadase bat actuellement contre l'obligation signifiée à Marie-Maude Denis de témoigner. La Cour suprême a annoncé le 9 août qu’elle statuerait sur ce dossier.
Le Canada se classe au 18e rang sur 180 pays selon leClassement mondial de la liberté de la presse 2018 de RSF.