Projet de législation européenne sur la liberté des médias : donner les moyens à l’UE de garantir effectivement le droit à l’information fiable
Reporters sans frontières (RSF) appelle les États membres et les parlementaires à garantir effectivement le droit à l’information fiable, notamment en ligne, et à favoriser la soutenabilité du journalisme. Les propositions de RSF apportent des solutions concrètes pour pallier les insuffisances du texte.
Le projet de European Media Freedom Act (EMFA) est un texte bienvenu et potentiellement salutaire, mais contesté. Il soulève des inquiétudes sur certaines de ses dispositions, partagées par RSF. Si l’organisation soutient une intervention européenne pour garantir la liberté des médias dans l’UE et rejoint les objectifs du texte, elle réclame des modifications pour en renforcer l’ambition et la cohérence.
RSF appelle les ministres de la Culture des États membres, qui se réuniront le 16 mai pour débattre du texte en vue d’arriver à un accord en juin, à soutenir ses propositions et à les intégrer au projet. Celles-ci permettent en effet de façon concrète de répondre aux insuffisances du texte. Ses recommandations sont développées dans la note de position jointe à ce communiqué.
RSF suggère que les points suivants soient ajoutés au texte :
-
Le règlement devrait imposer aux plateformes de promouvoir les sources fiables d’information en ligne. Compte tenu de son importance dans une société démocratique, l'information produite par des médias respectant les normes professionnelles doit bénéficier d'un avantage concurrentiel face aux autres types de contenus en ligne. Le mécanisme de la Journalism Trust Initiative (JTI) peut être utilisé à cette fin.
-
Le mécanisme visant à protéger les médias contre la modération de contenus par les plateformes doit être renforcé pour empêcher qu’il bénéficie à des organes de propagande ou de désinformation : seuls les médias d’information présentant des garanties de fiabilité devraient pouvoir en bénéficier. Les critères prévus pour identifier les médias pouvant prétendre à une telle protection devraient être renforcés, et la JTI peut ici aussi être utilisée.
-
Les garanties apportées à l’indépendance éditoriale dans les médias d’information doivent être revues. Le texte pourrait imposer l’adoption de chartes précisant les droits et obligations des éditeurs, des rédacteurs en chef et des journalistes. Des comités d’indépendance et d’éthique devraient également être prévus.
-
Pour empêcher les conflits d’intérêts et la corruption des contenus, les États devraient sanctionner pénalement ces pratiques que sont l’abus, par des propriétaires ou dirigeants de médias, de leur capacité d’influencer les productions journalistiques pour favoriser leurs intérêts ou les intérêts de tiers. À cette fin, le texte devrait appeler les États membres à sanctionner le trafic d’influence dans le champ de l’information, en s’inspirant des délits prévus pour le trafic d’influence par les dépositaires de l’autorité publique.
-
Un nouveau cadre juridique pourrait être esquissé pour traiter des ingérences étrangères : le Système de protection de l’espace informationnel démocratique. Ce mécanisme de réciprocité sur la base des principes universels permettrait de protéger le journalisme et les démocraties.
-
La mise en place de mécanismes de marché ou fiscaux pour assurer la soutenabilité des médias est cruciale : obligation des annonceurs de contribuer au financement de médias en dirigeant une partie de leurs investissements publicitaires vers des médias présentant des garanties de fiabilité, instauration à la charge des plateformes et des annonceurs d’une taxe sur la publicité en ligne dont le produit serait affecté au financement des sources d’informations fiables, ou mécanismes d’incitation fiscale des annonceurs pour qu’ils dirigent leurs investissements publicitaires vers des médias présentant des garanties de fiabilité – par exemple à travers l’instauration d’un crédit d’impôt dont le bénéfice serait réservé aux investissements publicitaires dans ces médias.
RSF a formulé des propositions sur le texte avant même la présentation du projet par la Commission en septembre 2022, et a complété ses recommandations depuis lors, dans un dialogue continu avec les auteurs du texte, les parlementaires européens et les États membres au sein du Conseil.