Profil bas pour les droits de l'homme à la sous-commission de l'ONU
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A peine une petite dizaine de journalistes s'étaient déplacés pour la conférence de presse donnée le 15 août au Palais des Nations à Genève par la présidente de la sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme, Halima Ouarzazi, à l'issue de sa 55e session. Même en période estivale, ce désintérêt manifeste est à l'image de l'essoufflement de cet organe d'experts « indépendants » comme de l'ensemble du système onusien des droits de l'homme.
Dans sa déclaration de clôture de la session, la présidente de la sous-commission a elle-même reconnu que « les ambitions de tous n'ont pas été comblées et les attentes des organisations non gouvernementales n'ont pas été pleinement satisfaites ». Usant de la méthode Coué, elle en a déduit que « au vu des difficultés rencontrées, les résultats obtenus n'en ont que plus de mérite ». Et de se référer à la profusion de textes, 43 au total, adoptés cette année, « sans jamais procéder à un vote », a-t-elle précisé.
Entourée des quatre autres membres du bureau de la sous-commission, Mme Ouarzazi s'est livrée devant la poignée de journalistes à un bel exercice d'autofélicitation, sans oublier de caresser son maigre auditoire dans le sens du poil en soulignant « l'importance du rôle de la presse pour mieux faire connaître le travail des experts et les activités de la sous-commission en faveur du respect des droits de l'homme dans le monde. Evidemment - a-t-elle concédé au passage - nous ne pouvons plus élaborer de résolutions spécifiques concernant des pays, mais nous pouvons inclure des allusions aux droits de l'homme dans tout ce que nous faisons... »
Résultat des restrictions qui lui sont imposées, la sous-commission en est réduite à faire l'impasse sur les cas concrets et à s'en tenir aux généralités, sans prise directe sur la réalité. Tout y passe : mondialisation, droit au développement, eau potable, pauvreté extrême, minorités, peuples autochtones, esclavage, administration de la justice, sécurité, ou encore traite des êtres humains. Ainsi, s'agissant de la corruption, la sous-commission « encourage les dirigeants politiques à être, dans leurs pays respectifs, autant d'exemples nationaux de probité, d'intégrité et d'honneur pour fonder la gouvernance sur une éthique solide ». Ce qui va sans le dire va toujours mieux en le disant.
En fait, le déclin de la sous-commission va de pair avec la déliquescence de la commission des droits de l'homme elle-même. Principal organe subsidiaire, se voulant un « laboratoire de réflexion pour seconder la commission dans ses travaux », la sous-commission comprend 26 experts dits indépendants, mais redevables de leur poste à leurs gouvernements. En dépit de ses limites, la sous-commission était un lieu où les victimes pouvaient se faire entendre et où étaient abordées des atteintes aux libertés fondamentales qui n'aboutissaient pas toujours à la commission. Ainsi, après Tiananmen, elle avait approuvé des résolutions sur la Chine en 1989 et nommément sur le Tibet en 1991.
C'en était cependant déjà trop pour certains pays, qui ne pouvaient supporter de voir la sous-commission oser s'immiscer dans leurs affaires, autrement dit s'occuper de la défense des droits de l'homme. Aussi n'ont-ils eu de cesse de rogner les attributions de la sous-commission, en obtenant dès 2000 une réduction de quatre à trois semaines de sa session annuelle, alors que la commission interdisait aux 26 experts d'adopter des résolutions sur des cas de violations en nommant explicitement des pays. Aujourd'hui, la sous-commission ne peut même plus faire référence à des exemples nationaux pour illustrer ses documents thématiques.
Cette quasi-paralysie a atteint son comble lors du débat du point 2 de l'ordre du jour, portant sur les violations des droits de l'homme partout dans le monde. Les interventions des ONG et les témoignages parfois poignants des victimes des atteintes aux droits de l'homme aux quatre coins de la planète sont désormais à peine entendus, et encore moins écoutés. D'ailleurs, plusieurs représentants d'ONG se sont inquiétés de cette régression depuis qu'en 2002 la sous-commission s'est vue privée des moyens d'agir sur des situations spécifiques. Des experts de la sous-commission ont exprimé des soucis analogues. « A partir du moment où un organe perd le pouvoir de sanctionner, ce qui est le cas pour la sous-commission, il perd de sa pertinence », a reconnu l'experte roumaine Iulia Motoc, invitant « chacun à s'interroger sur la question de savoir qui utilise les textes et les études de la sous-commission ».
De son côté, l'Algérienne Leila Zerrougui a déclaré partager le constat de ses collègues, selon lequel le point 2 de l'ordre du jour « n'intéresse plus personne et ne donne même plus envie aux experts d'intervenir au titre de ce point ». A titre d'exemple, elle a rappelé que la commission avait même privé la sous-commission du droit de lancer un appel urgent en faveur de quiconque sur le point d'être exécuté. Constatant à son tour que le point consacré aux violations des droits de l'homme dans tous les pays était devenu sans objet, le Brésilien Paulo Sergio Pinheiro ironisait que l'on « risquait bientôt de demander à la sous-commission de mener une étude prospective sur la réalisation des droits de l'homme dans la lune »...
Inutile de s'étonner dès lors qu'à la conférence de presse, la présidente de la sous-commission ait refusé d'entrer en matière sur le sort du journaliste marocain Ali Lmrabet, récemment condamné à trois ans de prison pour « outrage au roi ». « Je n'ai pas l'intention de vous répondre à ce sujet », a-t-elle sèchement répliqué. « A propos de ce cas, adressez-vous aux organisations de défense des droits de l'homme de mon pays, et non à la présidente de la sous-commission. » De même, Mme Ouarzazi a choisi de ne pas répondre à une question concernant Reporters sans frontières, qui a pris la défense du journaliste embastillé et qu'elle a accusé de « forfaiture » pour avoir distribué un rapport sur les carences et les dysfonctionnements du système onusien des droits de l'homme. A la suite de cet incident, elle a aussi décidé de saisir les organes compétents pour demander des sanctions supplémentaires contre Reporters sans frontières, déjà suspendue pour un an de son statut consultatif auprès de l'ONU pour avoir dénoncé l'accession de la Libye à la présidence de la commission des droits de l'homme.
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Updated on
25.01.2016