Pologne : RSF met en garde contre un projet de loi dangereux pour la liberté d’expression
La préparation d’un projet de loi par le gouvernement polonais officiellement destiné à protéger la liberté d’expression sur les réseaux sociaux inquiète Reporters sans frontières (RSF), qui alerte sur des risques de censure en ligne.
Quelques jours après la décision de plusieurs plateformes de suspendre les comptes du président Donald Trump, le gouvernement polonais a annoncé préparer un projet de loi visant à limiter le pouvoir des plateformes comme Facebook et Twitter sur la suppression des contenus et la fermeture des comptes. Officiellement, cette initiative, rendue publique le 15 janvier dernier, a pour but de protéger le droit constitutionnel à la liberté d’expression sur les réseaux sociaux.
Le gouvernement envisage de créer un “Conseil de la liberté d’expression”, qui pourra être saisi par les utilisateurs dans les cas où ils ont épuisé toutes les procédures d’appel auprès des plateformes pour restaurer un contenu ou un compte. Le Conseil aura sept jours pour évaluer si le contenu respecte la loi polonaise et rendre une décision que les plateformes devront respecter sous peine d’amendes pouvant atteindre 50 millions de zlotys, soit 11 millions d’euros. Les cinq membres qui composeront ce Conseil seront nommés par le Sejm (La Diète polonaise, chambre basse du Parlement) pour une durée de six ans, ce qui revient à transférer au politique une décision qui revient au judiciaire.
“Les besoins de régulation ne doivent pas servir la volonté du gouvernement polonais de contrôler les informations circulant sur les réseaux sociaux, alerte la responsable technologies de RSF, Iris de Villars. Le Conseil de la liberté d’expression est manifestement structuré pour être instrumentalisé à des fins politiques. Nous appelons le gouvernement à revoir cette proposition qui semble d’autant plus absurde qu’elle n’est pas conforme au projet européen de Digital Services Act qui prévoit la possibilité de recours auprès d’organes indépendants.”
Le gouvernement polonais a déjà démontré sa propension à la propagande en transformant les médias publics en médias officiels. Par ailleurs, afin de censurer les médias privés, le gouvernement a d’abord envisagé de passer par la voie législative avant d’appliquer une stratégie commerciale de leur rachat par les groupes contrôlés par l’Etat.
Dévoilé en décembre dernier par la Commission européenne, le Digital Services Act (DSA) vise à réguler les contenus publiés sur les plateformes. Les travaux du gouvernement polonais sur sa position concernant le DSA sont attendus le 29 janvier prochain.
La Pologne est située à la 62e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.