La forte concentration et l'opacité de la propriété des médias, la polarisation, le déficit de politiques publiques garantissant le pluralisme, et la précarisation du métier de journaliste constituent les principales menaces pour la liberté de la presse en Argentine. Ce cadre constitue un terrain fertile pour les pressions de la part du gouvernement et des entreprises par le biais de la publicité privée et publique, et l'utilisation partisane des médias publics nationaux, régionaux et municipaux. L’arrivée au pouvoir de Javier Milei, ouvertement hostile à la presse, marque un nouveau tournant inquiétant pour la garantie du droit à l'information dans le pays.
Paysage médiatique
Le droit à l'information et la liberté d'expression sont garantis par des lois d'inspiration libérale, cependant le pluralisme de l’information souffre de manques en matière de politiques publiques et d’une forte concentration. Le groupe Clarín, principal acteur de l'industrie de la presse, exerce une grande influence sur tous les marchés des médias. Le quotidien La Nación, le site d’information Infobae et la chaîne de télévision privée Telefe sont très suivis. Dans certaines provinces éloignées de Buenos Aires, la liberté d'expression est conditionnée par la connivence avec des pouvoirs économiques et politiques, ce qui accroît d’autant les restrictions à la liberté de la presse. La fermeture de la principale agence de presse Télam en 2024 est un coup dur pour le droit à l’information.
Contexte politique
La liberté d'expression est un principe valorisé par les Argentins et remporte l’adhésion, par conviction ou par commodité, de la quasi-totalité de la classe politique. Au cours des dernières décennies, la logique de confrontation politique et la polarisation généralisée, guidées à la fois par les intérêts politiques et économiques, ont eu un impact direct sur le secteur des médias en appauvrissant la qualité de l'analyse et de l'information. La promotion de la haine et de la violence trouve un écho dans des médias de diverses tendances. Les questions sensibles liées aux aspects sociaux, économiques et politiques sont écartées du débat public et l'agenda médiatique est extrêmement concentré sur les grandes métropoles, notamment Buenos Aires. Le président d’extrême droite Javier Milei, élu en 2023, encourage les agressions contre les journalistes et les attaques visant à discréditer médias et journalistes critiques envers sa politique. Ses partisans s'en font largement l'écho.
Cadre légal
La liberté de la presse est garantie par la Constitution. Depuis 1983, date de rétablissement de la démocratie, la législation s’est affranchie des principes autoritaires des décennies précédentes : les délits d’outrage, de calomnie et d’insulte ont disparu du Code pénal ; la réparation pour fausses informations ou diffamation se limite à la sphère civile et à une indemnisation ; la confidentialité des sources et le secret professionnel sont garantis. En revanche, des tentatives plus subtiles de faire taire les journalistes, comme les pressions économiques, persistent. En outre, il n'y a eu que peu ou pas d’avancées législatives notamment pour limiter la censure. Le président Javier Milei a fait part de son intention de fermer ou de privatiser les médias publics et de ne plus financer les médias communautaires, ce qui appauvrirait l'écosystème de l'information.
Contexte économique
La presse argentine n’échappe pas aux difficultés économiques qui ont marqué les dix dernières années et ont précarisé l’emploi et les ressources. Les médias les plus influents appartiennent à un petit groupe de conglomérats en lien avec les télécoms, le pétrole et les travaux publics. Entre 2015 et 2019, la quasi-totalité des réglementations anti-concentration et contre les conflits d’intérêts ont été annulées. L’État, à travers la publicité, les exonérations fiscales et l’attribution de marchés, joue un rôle opaque. Les organes de défense du public et de contrôle du marché des télécommunications sont très dépendants du pouvoir politique du moment. Le secteur des médias est affaibli par la grave crise économique qui s’est accentuée en Argentine.
Contexte socioculturel
L’Argentine est un pays très contrasté, partagé entre la mégalopole de Buenos Aires, qui abrite 30 % de la population, 20 villes de taille moyenne et d’immenses territoires à faible densité démographique. Alors que l’ensemble du territoire a accès à la culture, les conditions de diffusion et d’exercice du journalisme sont très variables. La polarisation politique et la montée d'une force ultra, comme celle du président Milei, ont exacerbé l'intolérance et la violence virtuelle ou réelle, souvent avec l'appui de la police.
Sécurité
Depuis 2000, il n’y a eu aucun emprisonnement ni assassinat de journaliste, et les agressions physiques sont rares. Les attaques ou menaces contre des journalistes ou des médias soulèvent l’indignation à la fois de la population et de la classe politique. Les professionnels de l’information peuvent toutefois être la cible d’intimidations de la part d’organisations criminelles (drogue, trafic d’êtres humains, corruption des forces de sécurité) et de violences policières lors de grandes manifestations. La ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich a l'habitude de soutenir les forces de sécurité soupçonnées de commettre des abus envers des manifestants et des journalistes.