Pakistan : RSF exige la libération du journaliste Fawad Shah, maintenu en détention sans aucun fondement juridique
Actuellement maintenu en détention dans la prison centrale de Peshawar, dans le nord du Pakistan, le journaliste avait été expulsé de Malaisie, où il vivait sous le statut de réfugié depuis 2014 après avoir fui la persécution dans son pays. Face à l’inconsistance juridique des accusations qui le visent, Reporters sans frontières (RSF) exige sa libération immédiate et inconditionnelle.
“Où est Syed Fawad Ali Shah ?...” L’appel, lancé le mois dernier par RSF, a fini par porter ses fruits : le journaliste pakistanais, également connu sous le nom de Fawad Shah, et dont le monde avait perdu la trace après son expulsion de Malaisie en août 2022, a été officiellement transféré le 8 février au centre pénitentiaire d’Adiala, du nom de la prison centrale de Rawalpindi, la ville-jumelle de la capitale Islamabad.
Avant cela, Fawad Shah a passé cinq mois et demi au secret, dans une cellule de la Federal Investigation Agency (FIA), la branche du contre-espionnage pakistanais rattachée au ministère de l'Intérieur. Selon le procès-verbal d’une information judiciaire initialement ouverte en janvier 2020, dont RSF a pu consulter une copie, le journaliste est accusé d’avoir diffusé en ligne “des informations fausses, inutiles et fabriquées”, en violation des articles 20 et 24 de la loi de 2016 sur la prévention des crimes électroniques, dite “loi PECA”.
Aucun élément juridiquement valable
Cette plainte fait également référence aux articles 186, 500 et 506 du Code pénal, relatifs, notamment, à la “diffamation” et à l’“intimidation de fonctionnaires”. Elle a initialement été déposée par un agent du ministère de l’Intérieur à Peshawar, dans le nord du pays. C’est dans la prison centrale de cette ville que se trouve actuellement Fawad Shah depuis son transfèrement, le 18 février.
“L’information judiciaire ouverte contre Syed Fawad Ali Shah n’est étayée par absolument aucun élément juridique valable, ce qui signifie que le journaliste n’a rien à faire en prison. Pire, selon les dernières informations dont nous disposons, l’état de santé du journaliste est, après six mois de cachot, tout à fait alarmant. Par souci du respect de l'État de droit, comme pour raisons humanitaires, nous appelons le ministre de l’Intérieur, Rana Sanaullah Khan, à ordonner sa libération immédiate et inconditionnelle, et à l’autoriser à quitter le territoire pakistanais.
L’épouse de Fawad Shah, qui préfère rester anonyme, a été autorisée à lui rendre visite le 21 février à la prison de Peshawar. “Il m’a semblé très faible, il tremblait de tous ses membres, a-t-elle confié à RSF. Au vu de son état, il a subi de nombreuses tortures. Son moral est très mauvais.”
Haro sur les journalistes basés à l’étranger
RSF a contacté le cabinet du ministre de l’Intérieur afin d'obtenir davantage d'éléments sur l’information judiciaire ouverte contre Fawad Shah et sur ses conditions de détention, sans obtenir de réponse.
Le journaliste avait dû fuir le Pakistan en 2011, après avoir été kidnappé et torturé par des membres de l’Inter-Services Intelligence (ISI), les redoutables services secrets pakistanais. Réfugié en Malaisie, il avait obtenu le statut de réfugié dès 2014 auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Depuis, le contre-espionnage pakistanais a multiplié les tentatives de rapatrier le journaliste.
RSF a constaté une inquiétante recrudescence d’incidents visant des journalistes pakistanais basés à l’étranger ces dernières années. Il y a un an, un citoyen britannique d’origine pakistanaise, Muhammad Gohir Khan a été reconnu coupable, par un tribunal de Londres, de complot et de tentative de meurtre contre Ahmad Waqass Goraya, un blogueur pakistanais vivant en exil aux Pays-Bas.
Kidnappings et tortures
Début 2020, le corps sans vie du rédacteur en chef du site Balochistan Times, Sajid Hussain, a été retrouvé dans la Fyrisån, une rivière du centre de la Suède.
La même année, RSF a révélé l’existence d’une note interne aux services secrets pakistanais à propos d’une liste de journalistes basés à l’étranger à surveiller et à “appréhender selon les modalités appropriées”.
Les nombreux cas d’intimidation, de kidnapping et de tortures perpétrés contre des journalistes expliquent pour une large part la position du Pakistan dans le Classement mondial de la liberté de la presse, à la 157e place sur 180 pays.