Pakistan : RSF exige la fin de la censure qui frappe l’éditorialiste Hamid Mir
Neuf mois après sa disparition forcée des ondes, Reporters sans frontières (RSF) et son partenaire local, Freedom Network Pakistan (FNPK), lancent un appel au gouvernement d'Islamabad pour qu’il sorte de son silence et que soit rétablie l’émission de ce grand nom du journalisme.
Cela fait neuf mois que les citoyens pakistanais sont privés d’une des voix les plus écoutées du pays. Depuis le 28 mai 2021, le célèbre journaliste Hamid Mir est officiellement suspendu d’antenne par la direction de la chaîne d’information Geo News, sur laquelle il animait une émission de débat politique, Capital Talk, depuis près de 19 ans.
En cause : l’éditorialiste avait prononcé le même jour un discours lors d’une manifestation de soutien à son confrère Asad Ali Toor, séquestré, battu et torturé à son domicile trois jours plus tôt. Durant sa prise de parole, Hamid Mir avait osé franchir une ligne rouge en évoquant l’implication dans ces violences des “agences” - un euphémisme qui, au Pakistan, désigne les services de renseignement, à commencer par le redoutable Inter-Services Intelligence (ISI).
Véritable tabou dans le débat public au Pakistan, l’ISI et ses ramifications au sein de l’establishment militaire contrôlent, de manière informelle, des pans entiers de la société, jusqu’au gouvernement civil. Questionner cette emprise revient à s’exposer aux pires représailles – ce qui explique pourquoi la direction du groupe de Geo News a préféré se désolidariser de son journaliste.
Pressions abyssales
“À travers ses prises de parole, Hamid Mir entretient avec courage et abnégation la flamme de la démocratie et du pluralisme au Pakistan, souligne le directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Sa disparition des ondes lève un voile tragique sur les pressions abyssales auxquelles sont soumis les journalistes pakistanais et leur rédaction.
“À un an des élections générales, nous appelons le gouvernement à intervenir dans cette affaire pour permettre à Hamid Mir de s’exprimer à nouveau, sans quoi le Premier ministre devra porter comme un boulet cette nouvelle preuve de son mépris pour la liberté de la presse.”
“Le prolongement de l'interdiction d’antenne imposée à Hamid Mir est un exemple édifiant de l’ampleur de la censure qui s'est enracinée dans le pays, confirme le directeur de FNPK, Iqbal Khattak. Le Premier ministre Imran Khan doit rompre son silence et honorer les engagements de respect de la liberté de la presse qu’il a pris. En maintenant Hamid Mir à l'écart des écrans, c’est l’ensemble des citoyens qui se voient privés de leur droit à l’information. Cette situation doit prendre fin au plus tôt."
Ce n’est pas la première fois que Hamid Mir est confronté à la censure. Il a, par le passé, été licencié à deux reprises, en 1994, en tant que jeune reporter, puis en 1997, en tant que rédacteur en chef du Daily Pakistan. En cause : il avait révélé plusieurs affaires de corruption impliquant des dirigeants politiques.
En 2014, sa chaîne de télévision, Geo News avait également fait l'objet d'une campagne d'intimidation après que le journaliste eût ouvertement accusé l'ISI d'être à l'origine d'une tentative d'assassinat à son encontre.
Signe de la reconnaissance de son travail sur le plan international, Hamid Mir fait notamment partie du jury qui, chaque année, désigne les trois lauréats des Prix RSF de la liberté de la presse.
Le Pakistan se situe à la 145e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse publié en 2021 par RSF.