Pakistan : RSF appelle le gouvernement à garantir la protection des 200 journalistes afghans menacés d’expulsion
Environ 200 journalistes afghans exilés au Pakistan sont menacés d’expulsion, à la suite de l’expiration de l’ultimatum du ministère de l’Intérieur, qui demandait aux Afghans en situation irrégulière de quitter le pays avant le 1er novembre. Reporters sans frontières (RSF) alerte qu’un renvoi forcé en Afghanistan mettrait la vie de ces journalistes en danger et appelle les autorités pakistanaises à garantir leur sécurité sur le territoire.
Après l'expiration du délai fixé par le gouvernement pakistanais au 1er novembre, les journalistes afghans réfugiés au Pakistan pourraient être expulsés de force vers leur pays d'origine. Plus de 200 journalistes sont visés par cette mesure, au titre de l’ordre d’expulsion des étrangers en situation irrégulière, émis par le ministre de l’Intérieur pakistanais, Sarfaraz Ahmed Bugti.
“Le renvoi forcé en Afghanistan des journalistes afghans exilés au Pakistan serait une violation flagrante du droit international et une mesure inacceptable. Ces journalistes, qui ont parfois publié des informations sensibles, ont souvent fait l’objet de menaces et avaient trouvé refuge au Pakistan pour sauver leur vie. Les expulser en Afghanistan les exposerait à l’évidence aux plus hauts risques. RSF demande au gouvernement pakistanais de s’abstenir de toute arrestation et de garantir leur protection et leur sécurité au Pakistan.
“J'ai dû quitter mon pays pour rester en vie”
La menace d’un renvoi forcé a plongé dans l’angoisse les 200 professionnels des médias afghans réfugiés au Pakistan. RSF a pu recueillir le témoignage de plusieurs journalistes, qui décrivent une escalade des violences à leur encontre depuis l’ordre d’expulsion émis par le gouvernement : harcèlement et racket par des policiers pakistanais, arrestations arbitraires, ordre donné aux propriétaires de logements d’expulser leurs locataires afghans, procédures interminables pour obtenir des visas. Et désormais la menace d’une expulsion vers leur pays d’origine.
“Un retour forcé en Afghanistan reviendrait à nous envoyer à l'abattoir”, résume un collaborateur des médias, réfugié au Pakistan depuis un an et qui souhaite conserver l’anonymat pour des raisons de sécurité. Fixeur en Afghanistan pour de nombreux médias étrangers, il a été menacé par le régime taliban en raison de reportages diffusés par une chaîne étrangère. Il a été contraint de fuir son pays pour se réfugier au Pakistan en septembre 2022. Bien qu’il dispose d’un permis de résidence temporaire, ce reporter, confronté au harcèlement policier pakistanais, redoute l’expulsion. “Je suis poursuivi dans mon pays pour espionnage au profit de médias étrangers, sabotage et propagande négative, ainsi que pour mon soutien aux droits des femmes. Là-bas, c’est la mort qui m’attend.”
Après avoir couvert des sujets sur la violence du régime afghan, notamment envers les femmes, un autre journaliste, qui requiert lui aussi l’anonymat, a dû fuir au Pakistan en juillet 2022. Il avait été averti in extremis qu’un groupe armé proche du pouvoir taliban planifiait son assassinat. “J'ai dû quitter mon pays pour rester en vie. Après cela, le régime a arrêté plusieurs membres de ma famille. Si je retourne là-bas, je risque la mort.”
Un autre professionnel des médias, qui a été arrêté et torturé à deux reprises en Afghanistan à la suite de la prise de Kaboul en août 2021, a pu rejoindre le Pakistan en mars 2022 après plusieurs semaines de clandestinité dans son pays. “En janvier 2022, mes anciens bourreaux ont trouvé mon nouveau domicile et m'ont gravement blessé à la tête et au cou”, raconte, traumatisé, le journaliste. “Si la police pakistanaise m'expulse, ma vie sera en grand danger.”
Conditions éprouvantes
Originaire du nord du pays, le collaborateur d’une chaîne étrangère, menacé, a dû lui aussi s’exiler au Pakistan en juin 2022, après plusieurs arrestations pour ses activités de journaliste en Afghanistan. Un an plus tard, au Pakistan, dans un contexte de chasse aux Afghans sans papiers, il est arrêté et détenu pendant cinq heures par les services de renseignements pakistanais, qui ont fouillé son téléphone et ses mails.
Ce journaliste raconte à RSF un quotidien de plus en plus éprouvant ; il n’ose plus sortir de chez lui. Ses deux enfants sont privés d’école et sa femme est en grande souffrance psychologique. Récemment, le propriétaire de l'immeuble où il réside l'a sommé de quitter les lieux. “J'implore les États connus pour être des terres d’accueil, d’apporter leur soutien aux personnes en danger. Je leur demande d'agir et de nous sauver. Dans mon pays, je risque d’être tué. Il ne reste que peu de temps avant que l’expulsion concrète des Afghans sans papiers ne commence.”