Ouverture d’une enquête publique sur l’assassinat de Daphne Caruana Galizia, un premier pas dans la bonne direction
L’annonce par le gouvernement maltais de la tenue d’une enquête publique sur l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia constitue un premier pas important pour clarifier les circonstances de ce crime odieux. Reporters sans frontières (RSF), défenseur de longue date de cette mesure, souligne la nécessité de garantir l’indépendance et l’impartialité de cette procédure, notamment à travers l’examen attentif de la composition et des actions de la commission d’enquête.
Le 20 septembre 2019, le gouvernement maltais a émis une déclaration annonçant l’ouverture d’une enquête publique sur l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia, tuée dans un attentat à la voiture piégée devant son domicile à Bidnija, à Malte, le 16 octobre 2017. Cette annonce intervient 6 jours seulement avant l’échéance fixée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) dans une résolution adoptée le 26 juin 2019, qui accordait un délai de trois mois aux autorités maltaises pour la mettre en place.
La famille de Daphne Caruana Galizia a réagi à cette annonce en insistant sur le fait qu’ « une enquête publique présidée par un ancien magistrat respecté est ce que toute personne sensée réclame depuis l’assassinat de notre mère et épouse. » Elle a également fait remarquer que « la commission n’aura aucune raison d’être si le public a une quelconque raison de douter de l’indépendance et de l’impartialité de l’ensemble de ses membres. » RSF soutient la demande de la famille de rencontrer le Premier ministre Joseph Muscat afin de lui faire part de ses inquiétudes à ce sujet.
RSF appelle depuis longtemps à l’ouverture d’une enquête publique, notamment à travers un plaidoyer intensif auprès de l’APCE. L’organisation a également mené une mission internationale pour la liberté d’expression à Malte en octobre 2018, en soumettant directement cette question à de hauts responsables du gouvernement, dont le Premier ministre Muscat.
« La mise en place d’une enquête publique n’a que trop tardé et constitue un pas essentiel vers la justice pour l’assassinat de Daphne Caruana Galizia. Elle est le résultat de près de deux ans de plaidoyer régulier de la part de sa famille et de groupes de la société civile. Mais personne ne sera dupe d’une enquête publique dépourvue d’indépendance et d’impartialité – et l’objectif reste que justice soit pleinement rendue pour cet odieux assassinat. Nous resterons vigilants et examinerons avec attention la composition et les actions de la commission d’enquête. Nous agirons également pour obliger le gouvernement maltais à rendre compte de ses obligations internationales », a déclaré Rebecca Vincent, directrice du bureau Royaume-Uni de RSF.
Daphne Caruana Galizia était la plus célèbre journaliste de Malte. Elle était notamment connue pour ses reportages d’investigation d’intérêt public sur la corruption au plus haut niveau de l’État et au-delà, parmi lesquels son enquête sur les Panama Papers. Bien que trois hommes aient été assignés à comparaître dans le cadre de son assassinat, ils n’ont toujours pas été jugés et l’enquête criminelle n’a fait montre d’aucun progrès tangible. Près de deux ans après les faits, les commanditaires de cette odieuse agression continuent de vivre en liberté.
Le 19 septembre, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Dunja Mijatovic a publié un échange de lettres avec le Premier ministre Muscat appelant au retrait des douzaines de poursuites en diffamation posthumes contre Daphne Caruana Galizia et pour l’abrogation des dispositions permettant aux affaires de diffamation d’être transmises aux héritiers. RSF a dénoncé à plusieurs reprises le caractère vexatoire de ces poursuites, qui constitue l’un des multiples modes de pression exercés aujourd’hui encore sur la famille et sur d’autres œuvrant pour que justice soit faite.
Malte occupe aujourd’hui le 77e rang sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2019, après avoir chuté de 32 places au cours des deux dernières années.