Reporters sans frontières a exprimé sa vive préoccupation après les révélations sur l'existence d'un plan présumé pour tuer le juge Claudy Gassant, chargé de l'enquête sur l'assassinat du journaliste Jean Dominique, et le sénateur Prince Pierre Sonson, qui a toujours demandé que justice soit faite dans cette affaire
Dans une lettre adressée au ministre de la Justice, Gary Lissade, Reporters sans frontières a exprimé sa vive préoccupation après les révélations sur l'existence d'un plan présumé pour tuer le juge Claudy Gassant, chargé de l'enquête sur l'assassinat du journaliste Jean Dominique, et le sénateur Prince Pierre Sonson, qui a toujours demandé que justice soit faite dans cette affaire. RSF a demandé l'ouverture d'une enquête sur ces menaces d'assassinat. Elle a également demandé au ministre de tout mettre en œuvre pour garantir la sécurité des deux hommes. "Il est de votre devoir et de votre responsabilité d'assurer la protection du juge et de toutes les personnes concernées par l'enquête", a rappelé Robert Ménard, secrétaire général de RSF. L'organisation s'est dite par ailleurs "troublée" par le caractère défectueux du matériel alloué par les autorités pour assurer la sécurité du juge.
Selon des informations diffusées le 8 juin 2001 par la station Radio Haïti Inter, la tête du juge Claudy Gassant et celle du sénateur Prince Pierre Sonson, ont été mises à prix. Au cours d'une réunion qui s'est tenue le 6 juin 2001, il aurait notamment été décidé d'assassiner le juge Gassant avant la publication des résultats de l'enquête. A plusieurs reprises, Claudy Gassant a été l'objet de menaces ou d'actes d'intimidations. Il est le deuxième juge d'instruction en charge de l'enquête sur l'assassinat de Jean Dominique. Son prédécesseur, Jean-Sénat Fleury, avait préféré abandonner le dossier après avoir subi des pressions.
Le sénateur Prince Pierre Sonson, membre du parti Fanmi Lavalas (au pouvoir), est connu pour avoir régulièrement demandé que l'assassinat du journaliste ne reste pas impuni. En janvier 2001, il avait demandé au sénateur Dany Toussaint de répondre à une invitation du juge qui souhaitait l'entendre comme témoin. Faisant valoir l'immunité parlementaire de D. Toussaint, une majorité de sénateurs s'opposait à cette convocation. Le 13 avril, des inconnus avaient lancé des pierres et tiré à l'arme automatique sur le domicile de Prince Pierre Sonson, sans faire de victimes. Ce dernier avait attribué cette attaque à ses prises de position, notamment sur l'assassinat de Jean Dominique.
Par ailleurs, selon des sources proches de l'enquête, une partie des hommes affectés à la sécurité du juge Claudy Gassant sont dans l'impossibilité d'assurer leur mission. En effet, plusieurs armes ainsi que les deux véhicules alloués à l'enquête, il y a moins d'un mois, par le ministère de la Justice, sont déjà hors d'usage. Ce matériel leur avait été remis bien que son caractère défectueux avait été signalé par les enquêteurs. Actuellement en réparation, il n'a pas été remplacé.
Le 8 juin 2001, Claudy Gassant a remis les conclusions de son enquête au Commissaire du gouvernement (procureur de la République). Ce dernier dispose de cinq jours pour demander un éventuel complément d'informations au juge. Le cas échéant, l'ordonnance du juge, qui inclut les noms des personnes devant être arrêtées ou inculpées, sera rendue publique. Informé de son inculpation dès le 25 mai 2001, Dany Toussaint a attribué celle-ci "à un vaste complot" et ne s'est présenté à aucune des trois convocations du juge la semaine dernière.
Le jour même où le juge remettait ses conclusions au Commissaire du gouvernement, une quarantaine d'associations de la société civile haïtienne publiaient une lettre ouverte dans laquelle elles exprimaient leur détermination à voir cette affaire aboutir.
Le 3 avril 2000, Jean Dominique, le journaliste et analyste politique haïtien le plus connu du pays, était abattu dans la cour de sa station, Radio Haïti Inter. Connu pour son indépendance de ton, le journaliste critiquait aussi bien les anciens duvaliéristes et les militaires, que les grandes familles de la bourgeoisie ou, plus récemment, ceux qu'il soupçonnait, au sein de Fanmi Lavalas, le parti du président Jean-Bertrand Aristide, de vouloir "détourner ce mouvement de ses principes". Dans un rapport publié le 2 avril 2001, RSF dénonçait que l'enquête a failli être étouffée à plusieurs reprises.