Reporters sans frontières dénonce les méthodes utilisées par les autorités chinoises pour empêcher les journalistes étrangers de couvrir la situation dans les régions tibétaines. L'organisation réclame le retour immédiat de la presse étrangère au Tibet et dans les provinces à forte population tibétaine.
Reporters sans frontières dénonce les méthodes utilisées par les autorités chinoises pour empêcher les journalistes étrangers de couvrir la situation dans les régions tibétaines. L'organisation réclame le retour immédiat de la presse étrangère au Tibet et dans les provinces à forte population tibétaine. Par ailleurs, le brouillage des radios internationales s'est intensifié au Tibet et les propriétaires de cafés Internet ont reçu l'ordre de renforcer la surveillance. Enfin, la propagande bat son plein pour dénoncer la "clique du dalaï lama" et les médias étrangers "irresponsables".
"Les autorités de Pékin sont en train de régler le problème des manifestations de Tibétains par la force et le silence. Après avoir débarrassé le Tibet et ses régions environnantes des observateurs indésirables - journalistes et touristes étrangers -, les forces de sécurité écrasent les manifestations loin de tout regard. Les Nations unies doivent exiger le retour des journalistes étrangers et l'envoi d'observateurs indépendants sur place", a affirmé l'organisation.
Depuis le 10 mars 2008, Reporters sans frontières a recensé plus de quarante violations graves des droits des journalistes étrangers qui ont été notamment empêchés de travailler librement dans les villes de Lhassa, Pékin, Chengdu, Xining et dans d'autres localités des provinces du Gansu, du Sichuan et Qinghai.
L'un des exemples cité par le Foreign Correspondents Club of China est celui d'une équipe de télévision finlandaise qui a été détenue, le 17 mars, par la police de Xiahe (Gansu), où avaient lieu des manifestations tibétaines. Les journalistes ont été menacés et se sont vu confisquer leurs enregistrements vidéo. "Il vaut mieux que vous ne sachiez pas ce qui va vous arriver si vous ne nous montrez pas votre matériel", a déclaré un officier de police au reporter Katri Makkonen.
Dans la même ville, la police a obligé, le 16 mars, des correspondants de la chaîne de télévision britannique ITV à partir après avoir relevé à plusieurs reprises leurs identités. Les journalistes ont été filmés par des policiers en civil. Le correspondant d'ITV, John Ray, a déclaré que leur chauffeur chinois était "terrifié" lorsque la police a relevé son permis et la plaque d'immatriculation de son véhicule.
La police de Chengdu (Sichuan) a empêché, le 16 mars, des correspondants de la chaîne de télévision américaine ABC de prendre des images dans un quartier tibétain. La police leur a demandé de circuler et les a contraints à partir en taxi.
La correspondante de la radio américaine National Public Radio, Louisa Lim, a été refoulée à divers barrages de police, alors qu'elle tentait de se rendre dans la ville de Xiahe. Elle a ensuite été suivie sur près de 300 kilomètres par une voiture de police banalisée, jusqu'à ce qu'elle rejoigne un aéroport. Au moins deux reporters français ont subi le même sort dans cette région frontalière du Tibet. Plusieurs photographes et reporters d'Associated Press ont également été empêchés de travailler librement.
Spence Palermo, un réalisateur américain de documentaires, a été séquestré le 14 mars dans sa chambre d'hôtel à Xiahe pour l'empêcher d'assister à des manifestations de Tibétains. Dans son témoignage livré à la chaîne CNN, il a affirmé que plusieurs centaines de soldats avaient investi le monastère de Labrang où il venait de passer plusieurs jours. Des journalistes de la BBC ont quant à eux été empêchés d'accéder au village natal du dalaï lama. Taktser, dans la province de Qinghai, est en effet encerclé par la police.
Par ailleurs, des journalistes n'ont pas pu couvrir librement la petite manifestation qui a été organisée le 17 mars à l'Université de Pékin par des étudiants tibétains qui y ont allumé des bougies. Plusieurs dizaines de manifestants ont été interpellés.
Au Tibet, les propriétaires de cafés Internet ont reçu l'ordre d'empêcher toute diffusion vers l'étranger de "secrets d'Etat", notamment des photos et des vidéos. Le réseau de téléphonie mobile est encore largement perturbé. Malgré ce black-out, de rares images des récentes manifestations continuent de circuler. Reporters sans frontières a ainsi reçu des photos de victimes tibétaines, tuées par balles à Lhassa et dans l'Amdo.
La presse au Tibet relaie les accusations très violentes des autorités, notamment la "lutte à mort (contre) la clique du dalaï lama" qualifié de "loup dans une robe de moine", lancée par le dirigeant du Parti communiste au Tibet, Zhang Qingli, le 19 mars. Et le dirigeant communiste tibétain, Raidi, a qualifié d'irresponsable la couverture des médias étrangers. Tandis que la chaîne gouvernementale Lhasa TV diffuse des images des "meneurs" des manifestations, l'agence de presse officielle Xinhua a affirmé que plus de cent manifestants, qualifiés d'émeutiers, se sont rendus aux autorités. Selon un journaliste de Shanghai interrogé par Reporters sans frontières, les médias chinois ont reçu l'ordre du Département de la propagande d'utiliser exclusivement les informations de Xinhua pour parler de la situation au Tibet.
Enfin, le brouillage des radios internationales s'est accru depuis le début des manifestations. Selon le directeur de Voice of Tibet interrogé par l'organisation, les autorités chinoises ont multiplié leurs efforts pour empêcher les populations d'écouter leurs programmes, grâce à plus d'une centaine de petites stations de brouillage installées près des villes. Comme l'avait constaté Reporters sans frontières au Tibet en 2006, les autorités diffusent des programmes en chinois et des bruits sourds, notamment de tambour et d'avion, sur la même fréquence que les radios en tibétain basées à l'étranger. Voice of Tibet, basée en Inde, a augmenté de deux heures ses programmes à destination du Tibet.