Nouvelle-Calédonie : la sécurité des journalistes doit être garantie
Après une semaine de violences qui ont éclaté à Nouméa à la suite de l’adoption controversée de l’élargissement du corps électoral à l’Assemblée nationale, la situation est préoccupante pour les journalistes mobilisés sur place. Inquiète par une succession et un accroissement d’intimidations, de menaces, de blocages et parfois d’agressions à leur encontre, Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités ainsi que l’ensemble des forces en présence à assurer leur sécurité et à garantir le droit à l’information en cette période de crise.
Alors qu’elle couvrait les affrontements à Nouméa, vendredi 17 mai, une équipe de la chaîne de télévision publique Nouvelle-Calédonie La 1ère, composée d’une journaliste et d’un caméraman, a été la cible d’intimidations de la part d’une vingtaine de personnes cagoulées non identifiées. Ces derniers ont arraché la caméra des mains du cameraman et l’ont menacé avec une pierre, avant de briser les vitres de la voiture des professionnels de l'information et d'essayer de s’en saisir. L’équipe de la chaîne publique a pu s’échapper grâce au soutien d’un automobiliste. La direction de France Télévisions a indiqué avoir porté plainte le jour même.
Selon une dizaine de témoignages recueillis par RSF, les conditions de travail pour les journalistes se sont rapidement dégradées à partir du mercredi 15 mai. Alors que le projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral de Nouvelle-Calédonie était adopté dans la nuit du 14 au 15 mai à l’Assemblée nationale, une succession de violences ont éclaté dans l’agglomération du Grand Nouméa - émanant des groupes de contestation à la réforme ou des collectifs formés pour les affronter. Le territoire, placé sous état d’urgence, est soumis à un couvre-feu (applicable à tout l’archipel) dont sont exemptés les journalistes.
RSF alerte en particulier les autorités sur la situation des journalistes indépendants : alors que certaines rédactions s’organisent pour acheminer du soutien à leurs équipes calédoniennes, les reporters indépendants se retrouvent isolés, sans aucune consigne ni matériel de protection.
“Les agressions des journalistes qui couvrent la situation en Nouvelle-Calédonie sont inacceptables. Tout doit être fait pour qu’ils puissent continuer à travailler et ainsi assurer le droit à l’information pour tous dans des conditions de sécurité maximale. RSF appelle les autorités à garantir la sécurité et la libre circulation des journalistes sur l’ensemble du territoire. Nous appelons également toute la société civile calédonienne et les responsables politiques à respecter l’intégrité et le travail de celles et ceux qui nous informent au quotidien, nous permettent de saisir la réalité du terrain”.
Si lors du premier jour d’affrontements, lundi 13 mai, les reporters arrivaient, selon les informations recueillis par RSF, à traverser les barrages et à échanger avec l’ensemble des forces en présence - notamment celles et ceux qui sont bien connus localement- , nombre d’entre eux sont, à ce jour souvent accueillis avec hostilité quand ils ne sont pas persona non grata et victimes d’intimidations, de menaces ou de violences. “Sur les barrages, lorsqu’on est identifiés comme journalistes, on reçoit des menaces de mort”, confiait à RSF un journaliste indépendant. “On se fait caillasser et violemment dégager des barrages. La situation risque d’empirer”, alerte auprès de RSF une journaliste d’un média local.
Dès lors, la plupart des journalistes joints par RSF sont contraints de ne travailler que dans le quartier autour de leur domicile. “De toute façon, on commence à ne plus avoir d’essence. Dans les prochains jours, on va avoir du mal à travailler en raison de la logistique”, témoigne une journaliste indépendante contactée par RSF.
Défiance vis-à-vis des journalistes
La dizaine de journalistes contactés par RSF - qui ont requis l’anonymat dans un contexte de défiance à leur encontre - ont été a minima la cible d’insultes répétées depuis le début des affrontements. Selon les informations recueillies par RSF, ces insultes se poursuivent hors des barrages, sur les réseaux sociaux. La majorité des forces en présence, difficilement identifiables par les journalistes, partagent une défiance des médias couplée d’un refus catégorique d’être reconnaissable sur les images des reporters, photographes et caméramans.
Le président de la République a décrété, le 15 mai, l’état d’urgence à effet immédiat sur l’ensemble du territoire de la Nouvelle-Calédonie. Le même jour, le gouvernement a annoncé l’interdiction du réseau social TikTok. À ce jour, les affrontements ont fait six morts et plusieurs blessés.