Neuf médias ont été contraints de suspendre leurs émissions après le sabotage de leurs installations par un commando armé. Reporters sans frontières dénonce une nouvelle forme de censure et demande aux autorités de mener une enquête exhaustive.
Reporters sans frontières est vivement préoccupée après le sabotage du matériel de retransmission de plusieurs médias entraînant l'arrêt des émissions de huit radios et d'une chaîne de télévision.
"Nous demandons aux autorités de mener une enquête exhaustive sur ces actes de sabotage et de nous tenir informés de leurs conclusions", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "Ce type d'attaque contre la liberté de la presse est inédit en Haïti. Nous craignons que cela se répète si les auteurs ne sont pas sanctionnés", s'est inquiétée l'organisation. "Encore une fois, il appartient au gouvernement du président Aristide de mettre fin à la complaisance dont il fait preuve à l'égard des agresseurs de la presse", a conclu Robert Ménard.
Le 13 janvier 2004, un commando de plusieurs hommes armés et cagoulés a détruit les équipements de transmission de huit radios de tendances diverses : Radio Commerciale, Radio Plus, Radio Kiskeya, Magic Stereo, Signal FM, Mélodie FM, Radio Ti Moun et Radio Galaxie. Les huit radios ont été contraintes de cesser d'émettre. L'émetteur de la chaîne Tele Ti Moun a également été détruit.
Les inconnus se sont présentés au local où se trouvent les émetteurs des radios privées, dans le quartier de Bouthillier sur les hauteurs de Port-au-Prince. Selon le gardien du local, Beyou Vil, qui a été ligoté au cours de l'opération, les inconnus, qui circulaient à bord d'un 4x4 de location, ont gravement endommagé les installations à coups de masse et de marteau. Le sabotage, qui a duré quinze minutes, n'a pas été revendiqué.
D'après les estimations de Fritz Joassaint, propriétaire du site et de la radio privée Magic Stereo, les dégâts se monteraient à plus de 400 000 dollars (315 000 euros). Une dizaine de jours seront nécessaires, selon lui, pour remettre en service les équipements.
Parmi les radios privées touchées, Signal FM et Radio Kiskeya avaient donné une large couverture aux manifestations organisées par l'opposition ces dernières semaines pour réclamer le départ du président Aristide. Liliane Pierre-Paul, directrice de Radio Kiskeya, a accusé le gouvernement "d'être responsable de ces incidents dans la mesure où il mène une campagne de discrédit et de haine contre la presse indépendante".
Radio Commerciale et Mélodie FM sont considérées comme proches de Fanmi Lavalas (le parti au pouvoir). Radio et Tele Ti Moun appartiennent à la Fondation du président Aristide pour la démocratie. Selon Marvel Dandin, de Radio Kiskeya, la destruction de leur matériel pourrait s'expliquer par le fait que, sur le site, les émetteurs ne sont pas identifiés.
Six journalistes de Radio et Tele Ti Moun avaient dû quitter le pays début décembre 2003 après avoir fait des révélations sur le fonctionnement de ces médias. Ils avaient notamment accusé la direction de leur faire volontairement courir des risques afin que le président Aristide puisse se prévaloir de compter des reporters de médias progouvernementaux parmi les journalistes tués. Deux professionnels de la presse ont été tués depuis avril 2000 en Haïti. Dans les deux cas, des proches du pouvoir mis en cause n'ont pas été inquiétés.