Ils restent donc derrière les barreaux en attendant la prochaine audience. Les six blogueurs de
Zone9,
Atnaf Berhane, Mahlet Fantahun, Befekadu Hailu, Abel Wabella, Natnail Feleke et
Zelalem Kibret, et trois journalistes,
Tesfalem Waldyes, d’
Addis Standard,
Edom Kasaye, ancienne employée d’
Addis Zemen, et
Asmamaw Hailegiorgis, d’
Addis Guday sont enfermés depuis maintenant plus de 50 jours.
Ces derniers avaient été arrêtés les 25 et 26 avril. Dès le lendemain, ils étaient accusés de "travailler avec des organisations étrangères se proclamant activistes des droits de l’Homme et de recevoir des financements pour inciter le public à la violence à travers les médias sociaux". L’audience suivante, après avoir été une première fois reportée, a eu lieu le 17 mai. Depuis celle-ci, les journalistes sont poursuivis sous
la loi anti-terroriste de 2009 et peuvent encourir des peines de prison de 5 et 10 ans. La cour avait alors décidé d’octroyer 28 jours supplémentaires à la police pour mener l’enquête, jusqu’au samedi 14 juin, date de la dernière audience en date.
Or, Reporters sans frontières a appris que la police chargée de l’affaire avait de nouveau reçu un délai de 28 jours pour mener à bien son enquête.
Samedi 14 juin, les policiers chargés de l’affaire ont en effet expliqué devant la cour de première instance d’Arada que l’enquête s’était compliquée et qu’ils avaient besoin de plus de temps pour apporter toutes les preuves nécessaires. Pour la troisième fois depuis leur arrestation , la juge a accédé à cette requête en précisant toutefois que d’ici la prochaine audience, la police devrait avoir finalisé l’enquête et définit les chefs d’accusation.
Lors de cette audience, les journalistes Tesfalem Waldyes de
Addis Standard, Asmamaw Hailegiorgis d’
Addis Guday, et Edom Kassaye ancienne journaliste d’
Addis Zemen ainsi que les blogueurs de
Zone9 Atnaf Berhane, Natnail Feleke et Zelalem Kibret ont été présentés à la cour. La prochaine est prévue le 13 juillet 2014.
Le procès des trois autres blogueurs de
Zone9, Mahlet Fantahun, Befekadu Hailu et Abel Wabella a quant à lui été ajourné au 28 juin.
La police n’a pas expliqué pourquoi elle avait désormais décidé d’instruire deux cas différents et pourquoi les neufs journalistes ne seront pas jugés en même temps.
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19.05.14 - Les journalistes ne sont pas des terroristes
Reporters sans frontières a appris aujourd’hui que la Cour d’Addis Ababa a accordé 28 jours supplémentaires à la police chargée d’enquêter dans le procès des 6 blogueurs et trois journalistes arrêtés en avril 2014. Selon des sources policières, les enquêteurs disent ne pas pouvoir accéder aux comptes Facebook et Twitter des détenus, qui auraient été désactivés depuis les audiences des 7 et 8 mai.
Selon le Secrétaire général de l’Association des Journalistes d’Afrique de l’Est, Alexis Niyungeko, « la requête de la police afin d'obtenir plus de temps pour enquêter montre clairement que les trois journalistes et les six blogueurs ont été arrêtés sans preuve suffisantes ».
Après l’audience d’aujourd’hui, les acteurs de l'information sont poursuivis sous la
loi anti-terroriste de 2009 et peuvent encourir des peines de prison de 5 et 10 ans.
Un témoin a rapporté que lors de l’audience, l’un des membres du blog
Zone9,
Atinaf Berhane, s’était plaint d’avoir subi des tortures et un interrogatoire prolongé au cours de la nuit passée. Selon l’avocat de la défense, Amha Mekonnen, les détenus ont pu rencontrer leurs représentants légaux pour la première fois les 14 et 16 mai. La prochaine audience est prévue pour le 14 juin.
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29.05.14 - Violation des droits de la défense
Reporters sans frontières est fortement préoccupée par les conditions de détention des trois journalistes et six blogueurs du collectif
Zone9 arrêtés les 25 et 25 avril à Addis Ababa et par la procédure à leur encontre qui méprise les droits de la défense.
Initialement prévu pour les 7 et 8 mai, leur procès devant la Cour du district d'Arada à Addis Abeba a été reporté aux 17 et 18 mai après que la Cour a accordé dix jours supplémentaires pour les enquêtes de police. Citant des sources gouvernementales, les médias ont affirmé que les charges retenues contre les journalistes pourraient évoluer de "travailler avec des organisations étrangères pour déstabiliser la nation” à “utiliser les médias sociaux pour inciter au chaos avec le soutien d’organisations terroristes”.
L’avocat de la défense, Amha Mekonnen, a annoncé aux médias qu’il n’avait pas été autorisé à rendre visite à ses clients en prison, et était, par conséquent, incapable de préparer correctement leur défense. « J’ai essayé à plusieurs reprises de voir mes clients mais mes requêtes ont été refusées », a-t-il annoncé, laissant entendre qu’il pourrait abandonner leur défense s'il continuait à ne pas avoir accès à ses clients.
Les droits de visite des proches et des familles ont aussi été refusés, en claire violation de l’article 21 (2) de la constitution éthiopienne qui garantit le droit des détenus à "communiquer avec et recevoir des visites de leurs conjoints, parents proches et amis, personnel médical, conseillers religieux et légaux ».
Deux des blogueurs,
Befikadu Hailu et
Abel Wabela, ont dit au tribunal avoir été soumis à des actes de torture. Si la police a nié ces accusations, la cour a rappelé que toute forme de torture était anticonstitutionnelle.
"
La conduite de cette affaire ne respecte, jusqu'à aujourd'hui aucune garantie d'un procès équitable et est en violation de la Constitution", déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. "
Plus encore, si les charges sont modifiées, cela enverra un signal très inquiétant en montrant que le gouvernement, à nouveau, assimile les journalistes et blogueurs à des terroristes. Nous exhortons le gouvernement à respecter ses obligations internationales et à garantir la liberté de l'information en abandonnant toutes les charges ".
La très controversée
loi anti-terroriste, adoptée en 2009, est régulièrement utilisée pour justifier les poursuites en justice et les incarcérations de journalistes.
L’Ethiopie est classée au 143e rang sur 180 pays selon le
Classement 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
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29.04.14 Neuf acteurs de l'information poursuivis pour incitation à la violence
Arrêtés lors d'une opération coordonnée le vendredi 25 avril 2014, les six blogueurs du groupe Zone 9,
Atnaf Berhane, Mahlet Fantahun, Befekadu Hailu, Abel Wabella, Natnail Feleke et
Zelalem Kibret, ont vu leurs domiciles fouillés avant d'être menés au centre d'investigation de la police d'Addis Abeba, connu sous le nom de Maikelawi. Ce coup de filet intervient alors que Zone 9 avait annoncé la semaine dernière la reprise du
blog.
Le même jour,
Tesfalem Waldyes, journaliste freelance pour l'hebdomadaire
Fortune et le mensuel
Addis Standard était également arrêté. Le 26 avril, c'était au tour d'
Edom Kasaye, ancienne journaliste au journal gouvernemental
Addis Zemen, très active sur Twitter, et d'
Asmamaw Hailegiorgis, rédacteur en chef de l'hebdomadaire indépendant, en langue amharique,
Addis Guday d'être mis derrière les barreaux.
Les accusés ont comparu devant un juge le dimanche 27 avril, la juridiction ayant été exceptionnellement ouverte pour l'occasion. Ils sont accusés de "travailler avec des organisations étrangères se proclamant activistes des droits de l’Homme et de recevoir des financements pour inciter le public à la violence à travers les médias sociaux". Jusqu'à présent, aucun d'entre eux n'a eu accès à un avocat ni pu être en contact avec ses proches. La prochaine audience devrait se tenir les 7 et 8 mai.
"Reporters sans frontières demande aux autorités éthiopiennes de relâcher immédiatement les six blogueurs et les trois journalistes qui ne se sont rendus coupables d'aucun acte visant à déstabiliser l'autorité de l'Etat," déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières.
"Cette vague d'arrestations est une violation flagrante de l'article 29 de la Constitution éthiopienne qui garantit que toute personne a le droit "de chercher, recevoir et transmettre des informations et des idées de toutes sortes". Ces personnes qui ont été arrêtées permettent, grâce à leurs blogs et leurs articles, aux citoyens éthiopiens de se forger une opinion plurielle et éclairée. Emprisonner les journalistes et les blogueurs revient à tuer dans l'œuf tout développement démocratique. Nous demandons au gouvernement éthiopien, au moment où
sa situation des droits de l'Homme va être examiné devant les Nations unies au cours de l'Examen périodique universel, de respecter ses obligations nationales et internationales pour garantir la liberté d'information," ajoute-t-elle.
Le journaliste Tesfalem Waldyes est reconnu par ses confrères pour son intégrité et sa mesure. Au moment de son arrestation il s'apprêtait à publier un article sur l'industrie textile en Ethiopie. Ayant collaboré au journal
Addis Neger jusqu'à sa
fermeture sous la pression des autorités en 2009, Tesfalem Waldyes s'était alors exilé en Ouganda où il avait continué son activité de journaliste avant de retourner œuvrer dans son pays en 2012.
Le journal d'Asmamaw Hailegiorgis,
Addis Guday, est connu pour ses critiques acerbes à l'encontre du pouvoir. La publication avait d'ailleurs été épinglée quelques temps auparavant dans un article du quotidien gouvernemental,
Addis Zemen, critiquant nommément l'éthique de sept organes de la presse indépendante. Le journal
Adis Zemen s'est régulièrement fait le porte-voix du gouvernement dans des campagnes de dénigrement présageant d'actions plus musclées contre des voix indépendantes. Cela avait été le cas en 2009 contre le journal
Addis Negger.
Le groupe de jeunes blogueurs de Zone 9 se décrit lui même comme “un groupe informel de jeunes Ethiopiens, travaillant ensemble pour créer un récit alternatif et indépendant des conditions sociales et politiques en Ethiopie ». Selon l'avis de plusieurs professionnels des médias consultés par Reporters sans frontières, ils valorisent une approche pacifiste et de dialogue tout en n'hésitant pas à émettre des critiques éclairées de la situation en Ethiopie.
Créé en 2012, le blog avait été rapidement bloqué en Ethiopie par les autorités, tout en restant accessible à l'extérieur du pays. Le groupe a alors continué son activité d'information sur les réseaux sociaux. Il y a sept mois, le harcèlement incessant des autorités gouvernementales les avait contraint à cesser leurs écrits.
Les pressions des autorités éthiopiennes sur les acteurs de l’information ne sont pas un fait nouveau. Depuis l
’adoption de la loi antiterroriste par le Parlement éthiopien le 7 juillet 2009, la liberté de l’information a été régulièrement réprimée au nom de la sécurité nationale et les arrestations arbitraires se sont multipliées. Reporters sans frontières compte aujourd'hui au moins sept autres journalistes, dont deux Erythréens, emprisonnés en Ethiopie:
Asfaw Berhanu, Reyot Alemu, Woubeshet Taye, Saleh Idriss Gama - (Erythréen),
Tesfalidet Kidane Tesfazghi (Erythréen),
Shiferraw Insermu et
Yusuf Getachew.
La surveillance en ligne est devenue monnaie courante dans le pays où, selon le rapport de sur les
Ennemis d'internet publié par Reporters sans frontières, une
agence gouvernementale est entièrement dédiée à la tâche.
L’Ethiopie est classée au 143e rang sur 180 pays selon le
Classement 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.