Mexique: l’assassinat de Cecilio Pineda Birto relance le débat sur l’efficacité des mécanismes de protection des journalistes
L’assassinat du journaliste Cecilio Pineda Birto, le 2 mars 2017, dans l’Etat du Guerrero, soulève de nombreuses interrogations quant à l’efficacité des mécanismes de protection. Alors que le journaliste était régulièrement la cible de menaces, ces mesures de protection avaient été abandonnées en octobre 2016 pour des raisons jugées irrecevables par RSF.
En 2015, après avoir échappé à l’une de ces attaques, Cecilio avait porté plainte auprès du Bureau du procureur de l’Etat de Guerrero. Son dossier avait alors été transmis au Mécanisme fédéral de protection des journalistes, qui lui avait suggéré de quitter son lieu de résidence pour se mettre à l’abri des menaces. Pour des raisons de santé notamment, Cecilio avait décliné la proposition. En janvier 2016, après une première analyse des risques, le Mécanisme lui avait proposé de nouveau l’exil et de se rendre dans un refuge. Cecilio n’y avait pu s’y résoudre. Des rondes policières, menées par la police locale de Guerrero, avaient alors été mises en place autour de son domicile. Une mesure a minima, jugée largement inefficace par Israël Flores, du syndicat national des rédacteurs de la presse (SNTP) contacté par RSF: “les policiers se contentaient de faire signer à Cecilio le document attestant de leur passage et de leur présence, puis passaient leur chemin”. Quelques mois plus tard, en octobre 2016, à la suite d’une seconde analyse et, au motif d’un niveau de risque jugé insuffisant, le Mécanisme avait décidé d’abandonner toutes les mesures et de clore son dossier.
Dans un communiqué publié quelques heures après la mort de Cecilio Pineda Birto, le Mécanisme a affirmé que le refus du journaliste d’accepter l’exil avait engendré l’abandon des mesures de protection. La loi et le règlement du Mécanisme ne prévoient pourtant à aucun moment qu’un tel refus puisse entraîner l’abandon pur et simple des mesures de protection, ni la clôture systématique du dossier.
“Les autorités locales et nationales étaient conscientes du niveau de risque encouru par Cecilio Pineda Birto, déplore Emmanuel Colombié, directeur du Bureau Amérique latine pour RSF. Aucune d’entre elles n’a pourtant été capable de lui fournir une protection efficace. Ce cas spécifique illustre le besoin criant de repenser en profondeur le processus d’évaluation des risques et la supervision des mesures prévues par le Mécanisme fédéral de protection des journalistes, pour éviter que ce genre de tragédie ne se reproduise”.
Pour les collègues journalistes et proches de Cecilio, le lien entre sa mort et son activité journalistique ne fait aucun doute. Quelques heures avant d’être abattu, Cecilio retransmettait en direct sur sa page Facebook une vidéo dans laquelle il dénonçait des liens entre les autorités de Tierra Caliente et un baron local de la drogue, surnommé El Tequilero.
Une semaine jour pour jour après les faits, l’enquête judiciaire n’a toujours pas privilégié de piste d’investigation.
Rappelons que le 20 juillet 2016 à Tierra Blanca (état du Veracruz) le journaliste Pedro Tamayo Rosas, pourtant sous protection de l’État, était lui aussi lâchement assassiné.
Dans le rapport “Veracruz, les journalistes face à l’état de peur”, dévoilé le 2 février 2017 RSF revient en détail sur ces défaillances des systèmes de protection au Mexique, et propose une série de recommandations détaillées pour améliorer la situation.
Le Mexique est 149e sur 180 au Classement mondial sur la liberté de la presse établi par RSF en 2016.