Deux reporters de l'hebdomadaire français L'Express ont été condamnés à six mois de prison pour s'être rendus sans autorisation dans une région frontalière de l'Afghanistan. La peine a été suspendue pendant une semaine. Leur collaborateur pakistanais est toujours détenu au secret par les services secrets pakistanais.
Une juge de Karachi a condamné, le 10 janvier, à six mois de prison Marc Epstein et Jean-Paul Guilloteau, reporters de l'hebdomadaire français L'Express, pour violation de la loi sur les étrangers de 1946. La peine a été suspendue pendant une semaine. L'avocat des journalistes a déposé un appel qui devrait être examiné le 12 janvier.
Reporters sans frontières est consternée par la dureté de la peine imposée par la justice pakistanaise aux deux journalistes de L'Express. "Si les autorités souhaitaient avertir la presse internationale qu'il est interdit d'enquêter sur la situation à la frontière avec l'Afghanistan, elle ne s'y prendrait pas autrement", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières dans une lettre au ministre pakistanais des Affaires étrangères, Mian Khursheed Mehmood Kasuri. L'organisation a demandé l'annulation de la peine pour les journalistes et la libération de leur collaborateur pakistanais, Khawar Mehdi Rizvi, détenu au secret depuis le 16 décembre 2003.
Le 10 janvier 2004, la juge Nuzhat Ara Hakvi du tribunal de Karachi a condamné les journalistes Marc Epstein et Jean-Paul Guilloteau à six mois de prison et à une amende de 1 350 euros pour s'être rendus sans autorisation spéciale dans la région de Quetta (Baloutchistan, ouest du pays). Comme le permet la loi pakistanaise pour des peines inférieures à un an de prison, la sentence a été suspendue pendant une semaine. Les deux reporters ont donc pu sortir libres du tribunal et regagner leur hôtel où ils sont assignés à résidence depuis le 24 décembre 2003. L'avocat des journalistes de L'Express, Maître Siddiqi, a déposé devant la Haute Cour du Sind un appel qui devrait être examiné le 12 janvier.
L'avocat des journalistes s'est déclaré surpris par la sévérité de la peine. Selon des journalistes de Karachi contactés par Reporters sans frontières, la juge Nuzhat Ara Hakvi est connue pour sa sévérité.
Par ailleurs, le journaliste indépendant Khawar Mehdi Rizvi, collaborateur de L'Express lors de ce reportage, est détenu au secret depuis le 16 décembre. Selon certaines sources, il serait incarcéré à Islamabad dans les locaux de l'ISI (services secrets militaires). Les autorités refusent de fournir des informations sur sa situation alors qu'il est pourtant apparu, au moins à trois reprises, dans des reportages de la télévision publique PTV. Des témoignages mensongers ont également été diffusés par la chaîne qui tentent de faire croire que les trois journalistes avaient fabriqué un faux reportage au Baloutchistan (région frontalière de l'Afghanistan).
Le 29 décembre, le président pakistanais Pervez Musharraf a mis en cause personnellement les qualités professionnelles de Khawar Mehdi Rizvi. Devant les représentants de la Société des journaux pakistanais (APNS), le chef de l'Etat a déclaré : "Ce journaliste free-lance a causé un tort terrible à l'intérêt national en faisant ce faux film sur les taliban et cela pour seulement 2 000 dollars. S'il m'avait contacté, j'aurais pu lui donner 3 000 dollars pour ne pas faire ce film."
Les trois journalistes ont été arrêtés le 16 décembre 2003 à Karachi. Ils venaient de réaliser un reportage sur les groupes taliban à la frontière avec l'Afghanistan.