Malgré la libération du journaliste de Bonesha FM, un climat toujours extrêmement tendu pour les médias au Burundi
Reporters sans frontières (RSF) est soulagée d’apprendre la libération ce mardi matin du journaliste Egide Ndayisenga, de la Radio Bonesha. Ces jours de détention arbitraire ne témoignent cependant pas d’un climat apaisé pour les médias au Burundi.
Arrêté et détenu sans mandat depuis le 5 juin 2016 dans la province de Cibitoke au nord du pays, le journaliste de la radio Bonesha FM, Egide Ndayisenga vient d’être libéré ce mardi. Des sources locales expliquaient qu’il lui était reproché de transmettre des informations à des collègues burundais en exil et d’accomplir des déplacements étranges dans la région. Tout comme son arrestation, sa libération n’a été accompagnée d’aucune explication.
Egide Ndayisenga
“Depuis quand le fait de relayer de l’information est-il devenu un crime au Burundi?, s’étonne Reporters sans frontières Faut il rappeler aux autorités l’existence de la loi sur la presse qui garantit au journaliste le droit de recevoir et de transmettre des informations, ou la Constitution qui garantit la liberté de la presse? Cette arrestation est clairement un acte d’intimidation pour freiner ce journaliste dans son travail.“
Malheureusement ce type d’incident est loin d’être isolé dans ce pays d’Afrique centrale dont les médias indépendants sont muselés par le pouvoir depuis avril 2015.
La semaine précédente, un communiqué de presse officiel du ministère de la sécurité publique dénonçait le travail du journaliste Esdras Ndikumana, correspondant de l’AFP et de RFI en exil, et des médias sur les réseaux sociaux, les accusant de “promouvoir le crime et la violence” au Burundi. Le gouvernement français avait exprimé “sa vive préoccupation après les déclarations des autorités burundaises”. Esdras Ndikumana, avait dû fuir le pays après avoir subi de graves tortures de la part d’agents des renseignements burundais en août 2015.
Alors que l’essentiel des radios indépendantes sont fermées depuis plus d’un an, que les quelques médias qui fonctionnent encore affrontent des restrictions importantes de leur ligne éditoriale, et que les journalistes étrangers sont inquiétés au cours de leurs reportages, les réseaux sociaux sont devenus quasiment le seul lieu de circulation d’une l'information libre sur le Burundi.
Les conséquences de ces prises de positions officielles, dépeignant les journalistes comme des ennemis de la société, ne se sont pas fait attendre puisque dans la foulée Esdras Ndikumana a fait l’objet de menaces graves sur les réseaux sociaux.
En mai 2016, c’est la Deutsche Welle qui s’est trouvée dans le viseur du porte-parole du régime. Willy Nyamitwe s’en est alors pris personnellement à un journaliste de la radio allemande, Eric Topona, qui avait eu l’audace de l’appeler pour obtenir sa réaction à une information concernant le recrutement et l’entrainement des jeunes Imbonerakure, décrits comme la milice présidentielle au Burundi.
“Aujourd’hui au Burundi, le simple fait de commenter ou de critiquer une action des autorités est assimilé à un acte de défiance et d’opposition, explique Reporters sans frontières. Dans ce contexte, il est difficile de prendre au sérieux les quelques déclarations des autorités concernant la normalisation du paysage médiatique. La pression terrible que continuent de subir les médias et les journalistes burundais et internationaux n’est en rien compensée par la réouverture très contrôlée de certaines radios. La situation reste extrêmement préoccupante. On s’achemine silencieusement ici vers un affaiblissement profond et durable du paysage médiatique burundais et un journalisme aux ordres, le seul que le gouvernement burundais semble capable de tolérer.”
Le Burundi est classé 156ème sur 180 pays au Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2016. Le pays a perdu 11 places en un an.