Même les journalistes réputés proches de la junte ne sont plus en sécurité en Birmanie
Les reporters Win Oo et Zaw Min Oo ont été jetés en prison vendredi 18 novembre, après avoir posé des questions qui ont déplu aux autorités lors d’une conférence de presse du ministère de l’Information. Reporters sans frontières (RSF) appelle à leur libération immédiate et inconditionnelle.
Ils ne figuraient pas sur la liste noire des journalistes recherchés par la junte birmane. Pourtant, Win Oo et Zaw Min Oo croupissent dans une prison de Naypyidaw, la capitale, depuis le 18 novembre. L’information, révélée sur les réseaux sociaux en birman ce mercredi, a pu être vérifiée par RSF, même si cette arrestation n’a, pour l'heure, pas été confirmée par les autorités.
Leur faute ? Les deux journalistes, rédacteurs en chef de deux pages web tolérées par la junte, auraient osé tenir des propos “interdits” lors d’une conférence de presse du ministère de l’Information. Ce genre d'événement, parfaitement policé, sert normalement à relayer les propos des représentants de la Tatmadaw, l’armée birmane. N’y sont convoqués que des journalistes réputés dociles, qui ne parleront pas des sujets qui fâchent.
Paranoïa totalitaire
“C’est sans doute la première fois, depuis le coup d’État du 1er février 2021, que la junte birmane s’en prend à des journalistes censés relayer sa propagande - ce qui en dit long sur l’état de paranoïa totalitaire qui règne à Naypyidaw, note le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Le régime s’enferme dans une fuite en avant dans la terreur face à laquelle la communauté internationale ne peut rester indifférente. À ce titre, nous demandons aux instances onusiennes en charge du dossier birman de durcir les sanctions qui visent les généraux birmans.”
Zaw Min Oo, qui dirige l’agence de presse en ligne Dae Pyaw (“Dîtes-nous franchement”, en français), aurait osé poser une questions sur l’échec des pourparlers de paix de l’armée birmane avec les rebelles de l’Union nationale karen (KNU, ou Kawthoolei), qui agissent dans le sud-est du pays. Le journaliste aurait également évoqué la question de l’inflation galopante qui touche le pays, en particulier pour les produits de première nécessité.
Question brûlante
Quant à Win Oo, qui anime la chaîne vidéo en ligne New History for People, il aurait, pour sa part, eu l’outrecuidance d’évoquer le sort de ses dizaines de consoeurs et confrères actuellement emprisonnés.
Une question pour le moins brûlante puisque, à l’occasion d’une grâce de plusieurs centaines de prisonniers annoncée le 16 novembre, six reporters ont été libérés – sans qu’aucun élément ne vienne expliquer pourquoi ceux-ci ont été relâchés, ni pourquoi les 62 autres journalistes actuellement détenus dans les geôles birmanes sont restés enfermés.
Signe de la poursuite de la politique de terreur orchestrée par les généraux à la tête de la junte, le journaliste Sithu Aung Myint a été condamné, hier jeudi 24 novembre, à deux ans de réclusion et de travaux forcés. Une peine qui s’ajoute aux trois ans de prison dont il a déjà écopé le mois dernier.
Selon le baromètre de RSF, la Birmanie est la deuxième plus grande prison pour les journalistes dans le monde, derrière la Chine. En nombres relatifs, par rapport à la population générale, le pays est largement en tête de ce funeste palmarès.
La Birmanie occupe la 176e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.