Litige concernant le degré de protection d'une journaliste gravement menacée : Reporters sans frontières espère une solution adaptée aux risques encourus par l'intéressée
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Reporters sans frontières s'inquiète des menaces dont est la cible Claudia Julieta Duque, correspondante de Radio Nizkor (média d'Equipo Nizkor, une organisation de défense des droits de l'homme) et consultante auprès de l'UNICEF. Le Comité d'évaluation et de réglementation des risques (Comité de Evaluación y Reglamentación de Riesgos, CRER), dépendant du ministère de l'Intérieur avait suspendu, le 29 août 2007, les mesures de sécurité dont elle bénéficiait depuis 2003. Le rétablissement du dispositif a été ordonné par le Tribunal administratif de Cundinamarca, le 18 octobre dernier. Une escorte et un véhicule blindé ont été à nouveau octroyés à la journaliste, le 24 octobre. Néanmoins, un désaccord persiste concernant l'importance du danger encouru par l'intéressée, qui doit en rediscuter avec les autorités compétentes, le 8 novembre prochain.
“Spécialiste des droits de l'homme, Claudia Julieta Duque est par définition une journaliste exposée à un danger très élevée, et ce depuis près de dix ans. Son cas est connu. Il est normal qu'une évaluation des risques préside à l'octroi d'une protection pour un professionnel des médias, mais personne ne peut contester la nécessité d'un dispositif à la hauteur du danger encouru par Claudia Julieta Duque. Pour cette raison, et au vu des dernières menaces dont elle a été la cible, nous demandons au ministère de l'Intérieur de prendre toutes les mesures adaptées au ‘risque maximum'. Nous demandons également qu'une enquête approfondie détermine l'origine des menaces en question et que la journaliste ait accès aux rapports négatifs des services de renseignements la concernant. Le collectif d'avocat José Alvear Restrepo et Claudia Julieta Duque ont souligné l'existence de tels rapports, hautement préjudiciables à ses activités de défenseur des droits de l'homme”, a déclaré l'organisation.
Les persécutions contre Claudia Julieta Duque ont commencé lorsqu'elle s'est intéressée aux irrégularités dans l'enquête sur l'assassinat, le 13 août 1999, du journaliste et humoriste Jaime Garzón. La journaliste a soupçonné le DAS d'avoir manipulé des pièces du dossier. Une plainte pour “injure” et “calomnie” a été déposée contre elle par l'ancien sous-directeur du service de renseignements, Emiro Rojas Granados. Menacée, victime d'un enlèvement et d'un vol, Claudia Julieta Duque a été contrainte de quitter le pays à deux reprises. La journaliste soupçonne les services de sécurité de l'État d'être à l'origine de ces intimidations. Déclarée à l'époque en situation de ‘risque maximum', Claudia Julieta Duque a bénéficié du programme de protection des journalistes dès décembre 2003.
Les menaces envers la journaliste, également dirigées contre sa fille de treize ans, ont repris à son retour en Colombie, en février 2006. En mars dernier, la journaliste a été avertie qu'un ordre d'assassinat avait été lancé contre elle. Au mois de juillet, des menaces par courrier électronique ont été adressées à l'organisation Equipo Nizkor, portant la signature du groupe paramilitaire “Aguilas Negras”.
Le 25 octobre, Claudia Julia Duque a fait parvenir une lettre au rapporteur spécial pour la liberté d'expression de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) l'informant de sa situation et lui demandant d'intercéder auprès du DAS et du ministère de l'Intérieur. Dans cette lettre, dont Reporters sans frontières a reçu copie, Claudia Julieta Duque a souligné les aggravations récentes de la situation de la liberté de la presse en Colombie, et notamment les exils forcés de journalistes.
Les relations demeurent tendues entre les médias et le sommet de l'État. Au cours du seul mois d'octobre, le président Alvaro Uribe a publiquement invectivé trois journalistes, par ailleurs en butte à des menaces : Gonzálo Guillén, correspondant en Colombie du quotidien américain hispaphone El Nuevo Herald, aujourd'hui sorti du pays, Daniel Coronell, directeur de l'information de la chaîne publique Canal Uno et éditorialiste de la revue Semana, et, le 26 octobre, pour la deuxième fois de l'année, Carlos Lozano, directeur de l'hebdomadaire Voz, accusé d'être un à la solde des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
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Updated on
20.01.2016