Libye : RSF s’inquiète pour le journaliste libyen Ali Raifaoui, enlevé depuis un mois
Le journaliste libyen Ali Raifaoui est toujours porté disparu un mois après son enlèvement le 26 mars 2022 à Syrte. Collaborateur de la chaîne de télévision privée 218, Ali Raifaoui a été enlevé alors qu’il couvrait une manifestation de Libyens demandant des dédommagements pour les victimes des « bombardements de l’OTAN » en 2011.
La chaîne de télévision privée libyenne 218 à laquelle collabore Ali Raifaoui émet d’Espagne, et est souvent l’objet d’attaques des différentes factions militaires du pays. Selon certains observateurs, l’enlèvement du journaliste, le 26 mars, a pour objectif de faire pression sur la ligne éditoriale de ce média indépendant.
Le correspondant de RSF à Syrte a suivi l’affaire de cet enlèvement et a recueilli le témoignage de la famille de Ali Raifaoui. Le père du journaliste kidnappé affirme n’avoir encore aucune information sur le lieu de détention de son fils, et que les autorités n’ont toujours pas reconnu son enlèvement, mais selon des milieux tribaux, Ali serait retenu dans la ville de Benghazi.
La famille, qui confirme n’avoir eu connaissance d’aucun motif officiel d’arrestation de Ali Raifaoui, espère que sa détention sera enfin officielle, qu’un avocat puisse au moins le voir et surtout qu’il sera libéré avant la fête de l’Aïd prévue le 2 mai.
“Il est inacceptable que les journalistes libyens continuent d’être pris pour cibles alors qu’ils ne font qu’exercer leur travail d’information, affirme Christophe Deloire, Secrétaire général de Reporters sans frontières. Nous appelons à la libération immédiate et inconditionnelle du journaliste Ali Raifaoui.”
La situation politique en Libye s’est considérablement aggravée après la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, suite à un soulèvement populaire. Deux gouvernements distincts se partagent le pouvoir dans le pays, l’un basé à Tripoli et qui bénéficie de la reconnaissance internationale, et l’autre à Benghazi, soutenu par quelques puissances étrangères notamment du Golfe.
Au début de l’année 2022, RSF avait transmis un rapport sur la situation des médias dans le pays à la Mission indépendante d'établissement des faits sur la Libye. Ce document exhaustif détaillait les violations de la liberté de la presse commises dans le pays depuis 2016 et les nombreuses exactions contre les journalistes. Sur la base d’informations recueillies auprès de sources locales, RSF avait mis la lumière sur les attaques et menaces subies notamment par 12 journalistes et 11 médias : exécutions extrajudiciaires, arrestations arbitraires, menaces et intimidations. A ce jour, aucun de ces crimes n’a fait l’objet d’enquêtes, de procédures judiciaires ou de condamnations.
La Mission indépendante d'établissement des faits sur la Libye a été chargée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies d'enquêter sur les violations des droits de l’homme dans le pays depuis 2016. Elle doit présenter son prochain rapport en juin à l’occasion de la 50e session du Conseil des droits de l’homme.
La Libye est classée 165e sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse 2021 établi par RSF, le plus mauvais positionnement qu'ait jamais connu le pays.