A l'occasion de la tenue de l'Assemblée plénière de l'Arrangement de Wassenaar, les membres de la coalition CAUSE (Coalition Against Unlawful Surveillance Exports), RSF, Amnesty International, Digitale Gesellschaft, FIDH, Human Rights Watch, Open Technology Institute et Privacy International adressent une lettre ouverte aux Etats participants pour leur demander de prendre en compte la société civile lors des négociations sur le contrôle des biens et technologies à double usage.
Nous, les organisations sous-signées, réclamons aux 41 Etats participant à l'
Arrangement de Wassenaar sur la réglementation des exportations d’armes classiques et de biens et technologies à double usage d'agir et de prendre des mesures contre la prolifération alarmante des technologies de surveillance accessibles aux pays répressifs connus pour perpétrer des violations systématiques des droits de l'homme. Ce commerce conduit à une surveillance illégale qui entraîne souvent de nouvelles violations des droits de l'homme, telles que des intrusions dans la vie privée, des arrestations et détentions arbitraires, des actes de torture, des traitements ou sanctions inhumains et dégradants, des restrictions à la liberté d’expression, des entraves à la participation politique et des répressions de la dissidence en ligne et hors ligne.
Les technologies de surveillance ne sont pas simplement des outils inoffensifs. Entre de mauvaises mains, elles sont souvent utilisées comme des outils de répression. Nombreuses sont les preuves qui révèlent l’étendue de ce commerce opaque qui met d’innombrables individus directement en danger face à des gouvernements qui malmènent les droits de l’homme. De plus en plus de récits émergent et montrent comment ces technologies nuisibles et souvent illégales affectent des activistes politiques, des défenseurs des droits de l’homme, des réfugiés, des dissidents et des journalistes. Des gouvernements condamnés internationalement pour leur bilan en matière de droits de l’homme tels que le Bahreïn, l’Ethiopie, l’Egypte, le Turkménistan, la Libye, la Syrie et l’Iran ont tous fait l’acquisition de technologies de surveillance auprès de sociétés privées, et les utilisent pour permettre des violations des droits de l’homme. Des révélations en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux USA ont conduit des ONG et des membres de la
Coalition CAUSE (Coalition Against Unlawful Surveillance Exports) à exiger des investigations policières et judiciaires. Étonnement et malgré les différentes preuves de ces exactions, les entreprises de technologies de surveillance poursuivent ouvertement la commercialisation de leurs produits lors de “salons”, notamment au Royaume-Uni, en France, aux États-Unis, au Brésil, et aux Émirats arabes unis.
Bien que des étapes aient été franchies en 2013 pour répondre à ce marché mondial en grande partie non réglementé, les gouvernements ne doivent pas laisser cet élan s’arrêter. Les gouvernements ont maintenant inclus les technologies supplémentaires associées aux logiciels d’intrusion et à la surveillance d’IP à la liste des biens et technologies à double usage et sont conscients de l’impact que ces technologies peuvent avoir sur les droits de l’homme. Il y a maintenant un besoin urgent de moderniser des contrôles d’exportation dépassés. En outre, il faut impérativement examiner l’impact sur les droits de l’homme et sur la répression contre les populations des technologies telles que les câbles de fibre optique sous-marins, les centres de surveillance et les technologies de reconnaissance vocale de masse. Cet examen est d’autant plus nécessaire lorsque l’utilisateur final est un gouvernement connu pour ses violations des droits de l’homme. Les technologies évoluent à une allure rapide et les gouvernements qui violent les droits de l’homme profitent de la réglementation faible, qui résulte d’une mauvaise compréhension de ces technologies et de leurs capacités.
Dans le système actuel, les associations des droits de l’homme et des droits numériques, ainsi que les experts externes indépendants sont exclus du Forum de l’Arrangement de Wassenaar et ne peuvent donc pas y apporter leurs connaissances et leurs expertises. Ce précieux apport supplémentaire de la société civile est indispensable au débat. Les discussions ne devraient pas se poursuivre dans un forum à huis clos. Nous demandons aux gouvernements de collaborer avec les organisations de la société civile pour permettre le développement de contrôles précis et efficaces reflétant les développements technologiques modernes, sans entraver la recherche scientifique ou dans le domaine de la sécurité.
Les droits de l’homme doivent être au coeur de toutes politiques d’exportation des technologies de surveillance. Les gouvernements doivent exercer une stricte politique de restriction des exportations et refuser d’accorder des licences d’exportation de technologies de surveillance destinées à des utilisateurs se trouvant dans des pays où elles seraient probablement utilisées de manière illégale, c’est-à-dire d’une façon non conforme aux standards en matière de droits de l’homme. Les gouvernements doivent prendre en considération la faiblesse ou l’absence de cadre juridique approprié dans le pays destinataire pour écarter le risque substantiel que les objets transférés soient utilisés pour porter atteinte ou violer les droits de l’homme. Les gouvernements doivent aussi être transparents sur le matériel exporté ainsi que sur leurs destinataires et soutenir le développement d’un cadre juridique international pour réguler la vente et le commerce des technologies de surveillance.
- Amnesty International
- Digitale Gesellschaft
- Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
- Human Rights Watch
- Open Technology Institute (at the New American Foundation)
- Privacy International
- Reporters sans frontières