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Les autorités turques ont encore une fois choisi de répondre aux difficultés par la censure. Le 16 juin 2014, la 9e chambre de la cour d’assises d’Ankara
a interdit aux médias turcs, y compris sur Internet, de mentionner l’enlèvement de 80 ressortissants turcs par des combattants djihadistes en Irak. La gestion de cette crise par les autorités est très critiquée depuis quelques jours. L’
arrêt du tribunal d’Ankara, pris à la demande du parquet de la capitale, vise officiellement à assurer “la sécurité des citoyens turcs enlevés par l’organisation terroriste et emmenés dans un lieu inconnu”. En cas d’infraction, le Conseil suprême de l’audiovisuel (RTÜK) peut désormais imposer des amendes aux médias contrevenants, voire même suspendre leur diffusion.
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Cet acte de censure pure et simple viole le droit de la population turque d’être informée sur un sujet d’intérêt général”, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières. “
Même si la préoccupation du gouvernement pour la sécurité des otages est légitime, la politique syrienne d’Ankara est au centre du débat public. Il est donc inadmissible que les autorités tentent à nouveau d’étouffer les critiques au lieu de faire face à leurs responsabilités. Nous demandons à la justice de lever immédiatement cette interdiction hors de toute proportion.”
Le consulat turc à Mossoul (au nord de l’Irak) a été investi par des combattants de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (ISIS) lorsque ce groupe a
pris la ville, le 11 juin. 49 ressortissants turcs présents sur place ont été pris en otages, y compris le consul, son épouse et leurs enfants. Le lendemain, 31 camionneurs turcs ont également été kidnappés.
Les autorités turques, et notamment le ministère de la Défense et les services de renseignements (MIT), sont vivement critiqués par l’opposition, qui leur reproche d’avoir
négligé les avertissements et failli à évacuer le Consulat de Mossoul à temps. Deux jours avant l’arrêt du tribunal d’Ankara, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait attaqué les médias critiques et appelé la presse à “suivre
(les négociations avec ISIS) sans agitation, sans trop écrire ou parler, car cette agitation ne joue pas pour nous mais contre nous”.
La prise d’otages de Mossoul ravive en outre le débat sur la politique syrienne du gouvernement et le soutien qu’aurait apporté Ankara à certaines factions de l’opposition au régime de Bachar al-Assad. Ce sujet sensible a donné lieu à plusieurs ordres de censure similaires ces derniers mois : en février 2014, un tribunal
avait interdit la publication de toute information relative à des convois d’armes présumés à destination de la Syrie, qui pourraient avoir été organisés par les services secrets turcs. En mai 2013, les sanglants
attentats de Reyhanli, à la frontière syrienne,
avaient également fait l’objet d’une interdiction de publier.
La Turquie occupe la 154e place sur 180 pays dans le
Classement mondial 2014 de la liberté de la presse, établi par Reporters sans frontières.
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Premières victimes parmi les journalistes depuis le début de l’offensive d’ISIS (16.06.2014)
(Photo : AFP photo / HO / Welayat Salahuddin)