Les journalistes ont interdiction de couvrir les combats à Donetsk
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Suivre les développements de cette affaire dans notre fil d'information, en date du 27 juillet.
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Reporters sans frontières condamne fermement l’interdiction pour les journalistes de couvrir les combats, émise par les autorités séparatistes de la République populaire de Donetsk (RPD). Ce décret, rendu public le 23 juillet 2014, contribue à nourrir la multiplication des interpellations arbitraires de journalistes dans la région.
Les autorités autoproclamées de la République populaire de Donetsk (RPD) ont rendu public, le 23 juillet, un décret signé deux jours plus tôt par le “ministre de la Défense”, Igor Strelkov, restreignant drastiquement la couverture journalistique des affrontements qui déchirent la région. Invoquant la “sécurité des travailleurs des médias” et la “sécurité informationnelle des forces armées” de la RPD, le décret interdit aux “journalistes, cameramen et photoreporters” de “se trouver sur les zones de combat et à proximité des installations militaires” lors des opérations armées. Toute captation vidéo, audio ou photographique des combats est également proscrite.
“La couverture journalistique du conflit dans l’Est ukrainien est indispensable pour que les populations puissent avoir accès à l’information, rappelle Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières. La nécessaire protection des journalistes ne saurait justifier l’instauration d’une censure absolue sur les opérations de combat. La formulation vague de ce décret laisse craindre une application sélective et une multiplication des arrestations, dans le seul but de renforcer le contrôle de la RPD sur les médias.”
Les interpellations arbitraires et disparitions de journalistes se multiplient à nouveau dans l’Est ukrainien. Reporters sans frontières s’inquiète de cette recrudescence et appelle une nouvelle fois toutes les parties au conflit à laisser les médias faire leur travail sans entrave et à relâcher sans délai les journalistes détenus.
Anton Skiba, journaliste indépendant et fixeur pour la chaîne américaine CNN, a été enlevé, dans la soirée du 22 juillet à Donetsk, par une milice rebelle. Il a été menotté et emmené dans les locaux des services spéciaux (SBU), contrôlés par la RPD. Selon les dernières informations, il s’y trouve toujours.
Quelques heures plus tôt, le journaliste polonais Piotr Andrusieczko, du magazine Nowa Europa Wschodnia, avait été brièvement interpellé par les services de sécurité de la RPD alors qu’il photographiait la gare de Donetsk. Au cours de l’interrogatoire, les rebelles ont affirmé au photographe qu’ils avaient ordre d’interpeller tous les journalistes étrangers. Ils lui ont demandé d’obtenir une accréditation spéciale auprès de leur commandant pour pouvoir continuer à travailler.
Une dizaine de journalistes étrangers avaient déjà été interpellés devant la morgue de Donetsk les 19 et 20 juillet, alors qu’ils couvraient la catastrophe aérienne du MH17.
Le net-citoyen britannique Graham Phillips a disparu, dans la soirée du 22 juillet, alors qu’il couvrait d’intenses combats aux environs de l’aéroport de Donetsk. La chaîne pro-gouvernementale russe Russia Today, avec laquelle il collabore souvent, rapporte lui avoir déconseillé de se rendre sur place en raison du niveau de risques. Le ministère des Affaires étrangères russe affirme que le journaliste aurait été enlevé par la Garde nationale ukrainienne. Ce que nie le Conseil national de sécurité et de défense ukrainien qui a, quant à lui, affirmé n’avoir aucune information sur Graham Phillips. Le 21 mai, le net-citoyen avait été interpellé par l’armée ukrainienne et remis en liberté le lendemain.
Reporters sans frontières est également sans nouvelles du journaliste ukrainien Iouri Leliavski, collaborateur de la chaîne ZIK en déplacement près de Lougansk. Son collègue Vlad Iakouchev affirme avoir reçu le 23 juillet vers 22h30 un SMS du journaliste le prévenant qu’il avait été interpellé et qu’il était emmené “vers Perevalsk, chez (le chef cosaque) Kozytsine”. Iouri Leliavski avait déjà été pris en otage pendant deux semaines par les rebelles à Sloviansk, en avril.
Parallèlement à ses communiqués de presse réguliers, Reporters sans frontières tient la chronique des violations majeures de la liberté de l’information en Ukraine dans un fil d’information dédié.
(Photo: AFP photo / Alexander Khudoteply)
Publié le
Updated on
20.01.2016