Les journalistes bulgares menacés ou moqués par les plus hautes autorités du pays
Depuis le début du mois de février, les journalistes bulgares font l’objet d’attaques verbales et de menaces répétées de la part des représentants des plus hautes autorités du pays. Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités à cesser toutes tentatives d’intimidation à l’encontre des journalistes.
Un Premier ministre imitant le gloussement d’une dinde pour se moquer des journalistes… La scène, surréaliste, s’est produite le 4 février 2020 lors d’une conférence de presse à Sofia. Après avoir comparé les journalistes, et notamment les femmes journalistes, à des dindes, le chef du gouvernement bulgare Boïko Borissov s’est empressé d’imiter bruyamment leur cri pendant plusieurs secondes, sans tenir compte des protestations des journalistes présents.
Le lendemain, c’est le procureur général, Ivan Geshev, qui s’en est pris ouvertement au journaliste Atanas Tchobanov, rédacteur en chef du site d’investigation Bivol, lors d’une conférence de presse à Bruxelles. Au lieu de répondre à ses questions, le procureur l’a interrogé en montrant qu’il détenait des informations sur sa vie privée. Selon des articles publiés par Bivol, le procureur serait impliqué dans des scandales de corruption. Le journaliste a également été traité de “petit provocateur” par l’eurodéputé bulgare Alexandre Yordanov alors qu’il l’interrogeait sur un cas de corruption auquel serait mêlé l’un des ses collègues. Les échanges ont été postés sur la plateforme de vidéo Youtube par le parquet bulgare.
Quelques jours plus tard, le 11 février, le vice-président du parlement Valéry Siméonov a accusé deux journalistes de la chaîne de télévision privée bTV, Venelin Petkov et Anton Hekimyan, d’être “corrompus” et a demandé au parquet d'ouvrir une enquête contre eux, au prétexte qu’ils n’avaient pas divulgué des informations concernant les liens entre le propriétaire du casino Efbet et l’homme d’affaire Vasil Bozhkov, poursuivi en Bulgarie pour onze chefs d’accusations. Le bTV Media Group, qui soutient ses journalistes, a rappelé que “le rôle du journaliste est de révéler la vérité après avoir vérifié et enquêté.”
“Il est affligeant de constater qu’en Bulgarie les attaques personnelles et offensantes de la part des plus hautes instances du pouvoir contre les journalistes ne sont pas des cas isolés mais bien une tendance durable, déplore la rédactrice en chef de RSF, Pauline Adès-Mevel. L’Union européenne ne peut accepter que les journalistes soient menacés de manière institutionnelle et systématique dans l’un des Etats membres. RSF appelle le président du Parlement européen à clairement condamner ces attaques indignes.”
La Bulgarie connaît une grave crise des médias depuis une dizaine d’années, en raison de la détention de nombreux médias par quelques oligarques. Les pressions qui pèsent sur les journalistes sont nombreuses. RSF s’était déjà alarmée de cette situation en 2018 dans un rapport dédié au journalisme d’investigation en Bulgarie. Pourtant la situation ne semble pas s’être améliorée puisque la Bulgarie, 35ème en 2006, figure aujourd’hui à la 111ème place du classement mondial de la liberté de la presse de RSF, soit la pire place pour un pays membre de l’UE.