Les dirigeants réunis à Davos se font l’écho d’un prédateur de la liberté de la presse

Reporters sans frontières (RSF) déplore que le 47e Forum économique mondial, qui réunit les dirigeants politiques et les grands patrons à Davos, serve de caisse de résonance au Président chinois Xi Jinping sans aborder la réalité de la situation des droits de l’Homme en Chine.

La participation de Xi Jinping au Forum économique mondial de Davos du 17 au 20 janvier 2017 est une première historique. Le président chinois, également chef de l’Administration du cyberespace (CAC), organe de censure officielle et lieu d’élaboration de la propagande en ligne, est accompagné de géants du web tels que Jack Ma, président du groupe Alibaba et propriétaire depuis peu du journal hongkongais anglophone South China Morning Post, ou encore Zhang Yaqing, président du tristement célèbre moteur de recherche Baidu, premier outil de la censure de Pékin. D’autres personnalités des médias et du secteur de l’information et de la communication sont présentes, notamment Li Ruigang, président de China Media Capital et également propriétaire de médias hongkongais.


L’organisateur du forum, Klaus Schwab a d’abord présenté cette 47e édition comme un lieu privilégié de “dialogue”, tandis que la présidente de la confédération Suisse, Doris Leuthard, a présenté la Chine comme un “modèle de développement”, tout en rappelant l'importance de “l’éducation” et de la “démocratisation de la digitalisation, à l’instar de la démocratisation du savoir par la presse imprimée”.


Il est regrettable que le Forum de Davos donne la tribune à un dictateur de manière aussi élogieuse alors que les droits de l’homme n’ont jamais été autant réprimés en Chine depuis les deux dernières décennies, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie Pacifique de Reporters sans frontières. “Comment considérer ces propos comme sincères alors que la liberté de la presse, de l’information et d’expression sont absentes de tout dialogue avec la Chine? Comment considérer la Chine comme un modèle de développement quand la censure n’autorise pas que les problèmes environnementaux fassent l’objet d’un débat public, quand le système éducatif chinois, quand les médias d’Etat et les entreprises du Net font disparaître de l’histoire chinoise des événements tels que le massacre Tian’anmen, maintenant ainsi la majorité de la population dans l’ignorance ?” interroge encore le responsable de RSF.


Dans son discours d’inauguration, le Président chinois a pour sa part mis en garde contre la “recherche excessive de profits”, le danger d’une globalisation qui ne chercherait pas à faire bénéficier tous les pays, et rappelé aux leaders politiques qu’il était inutile d’avoir peur des problèmes mais qu’il fallait y ”faire face”.


Dans son discours, Xi Jinping a donné, bien involontairement, les clés de l’attitude que la communauté internationale devrait adopter envers la Chine face à l’absence totale d’amélioration des libertés fondamentales dans le pays estime Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie Pacifique de RSF. Les leaders politiques et économiques doivent mettre fin à leur silence prolongé face à la censure chinoise qui affecte par ailleurs le développement économique du pays et du reste du monde”.


Ce qui ne sera pas discuté à Davos :


Premier censeur de la planète en nombre d’internautes privés d’une information libre, indépendante et critique du pouvoir, et prédateur de la liberté de la presse depuis son accession au pouvoir, Xi Jinping est également l’instigateur d’une politique visant le contrôle hégémonique de l’information et l’instauration d’un ordre médiatique mondial largement influencé par la Chine. En avril dernier, RSF a publié un rapport intitulé "La main invisible de Pékin sur les médias hongkongais" décrivant les menaces à la liberté de la presse dans l’archipel.


Pékin organise la censure de la presse chinoise en édictant des directives très strictes pour les médias et en contrôlant étroitement la couverture médiatique des mouvements de soutien à la démocratie. Les représailles contre les acteurs de l’information, journalistes et blogueurs, se poursuivent et s’intensifient, faisant de la Chine la plus grande prison du monde pour les acteurs de l’information, avec plus de 100 journalistes et cyberdissidents derrière les barreaux, dont la célèbre journaliste Gao Yu. En 2016, les journalistes citoyens et lauréats du Prix Reporters sans frontières pour la liberté de la presse, Lu Yuyu, Li Tingyu et Huang Qi, directeur du site d’information sur les droits de l’homme 64Tianwang ont été emprisonnés par les autorités simplement pour avoir couvert des événements que le Parti considère comme néfaste pour son image.


Les autorités chinoises ont élaboré l’un des systèmes de censure et de surveillance du Net les plus sophistiqués au monde. En 2016, la Chine figure toujours parmi les "ennemis d'Internet". Le Xinjiang et le Tibet, véritables trous noirs de l'information, demeurent coupés du monde. L’accès à Internet y est hautement contrôlé quand il n’est pas tout simplement supprimé. La presse étrangère est également bien placée dans le collimateur des autorités.


A l’occasion du sommet du G20 à Hangzhou (sud est de la Chine) les 4 et 5 septembre dernier, RSF avait appelé tous les chefs d’Etat à sortir de leur silence sur le recul de la justice en Chine, qui recourt de plus en plus aux aveux forcés afin de justifier l’emprisonnement des acteurs de l’information et de toutes les voix critiques à l’encontre de Xi Jinping et du Parti communiste chinois (PCC).


La Chine figure aujourd’hui à la 176ème place au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2016 par Reporters sans frontières.

Publié le
Updated on 17.01.2017