Les confrères des journalistes enlevés en Syrie demandent leur libération
Organisation :
"Ricardo Garcia Vilanova, Javier Espinosa et Marc Marginedas ne sont pas des militants, mais des journalistes qui croient en la nécessité d'être en première ligne, là où ont lieu les pires atrocités dans une guerre". Tel est le message publié par des confrères des trois journalistes espagnols enlevés en Syrie.
Reporters sans frontières se fait écho de cette lettre, signée par des journalistes espagnols et internationaux, pour demander la libération de tous les journalistes kidnappés en Syrie - parmi eux, les Espagnols Marc Marginedas, Javier Espinosa et Ricardo García Vilanova.
Alberto Arce, Gervasio Sánchez, Rafael Sánchez Fabrés, JM López, Diego Ibarra Sánchez, Ethel Bonet, Cesare Quinto, Omar Havana, Fabio Bucciarelli, Antonio Pampliega, José Miguel Calatayud, Álvaro Ybarra Zabala, Laura Jiménez Varo, Philip Poupin, Sergi Cabeza, Walter Astrada, Diego Represa, Gabriel Pecot, Andoni Lubaki, Maysun, André Liohn, Sylvain Cherkaoui, Javier Martin, Andrea Bernardi, Alberto Pradilla, Alfonso Bauluz, Samuel Rodríguez, Marc Javierre, Salvador Campillo, Plácid García Planas, Félix Flores, Manu Brabo, Mónica Bernabé, Rodrigo Abd, Javier Manzano, Iván M. García, Narciso Contreras, Mikel Ayestarán, Mayte Carrasco, Luis de Vega, Giulio Piscitelli, Lola Banon, Daniel Iriarte, Ramón Lobo, Ana Galán, Rubén García, Maria-Alba Gilabert, David Rengel, Elisa Arroyo Calvo, Joaquín Gómez Sastre, Marta Ballesta, Silvia Barradas Pinto, Alfred Hackensberger, Mar San Juan,Pablo Tosco, Sabrina Pindo, Lola Hierro.
Nous demandons la paix et la parole
La Syrie est le pays le plus dangereux au monde pour les journalistes. Depuis le début du conflit, plus de 55 journalistes et net-citoyens ont été tués et environ 40 enlevés ou détenus. Depuis que l'ESIL (Etat islamique d'Irak et du Levant ) - groupe lié à Al-Qaeda- a fait son apparition sur le devant de la scène à la mi-2013, informer depuis le terrain est devenu une tâche pratiquement impossible. Journalistes, nous ne sommes pas les bienvenus, comme ESIL l'a publiquement déclaré sur les différents réseaux sociaux et les médias. Ricardo Garcia Vilanova, Javier Espinosa et Marc Marginedas étaient conscients de ces dangers et assumaient les risques qu’ils encouraient. Cela ne les a pas pour autant empêché de se rendre en Syrie pour continuer à informer. Quand le monde ne savait pas ce qui se passait à l'intérieur de ce pays, ils ont décidé de s'aventurer là où aucun Occidental n’était allé, tout en sachant qu'ils mettaient leur vie en danger. A cette époque, le régime de Bashar Al-Assad traquait quiconque donnait des informations sur ce qui se passait. Ricardo Garcia Vilanova, Javier Espinosa et Marc Marginedas ont continué à faire leur travail d'information quand les menaces ont commencé à provenir du côté des rebelles. Ces groupes armés ne constituent pas un bloc monolithique; elles sont aujourd'hui divisées en de nombreuses factions, certaines appartenant à Al-Qaeda. Ricardo Garcia Vilanova, Javier Espinosa et Marc Marginedas ne sont pas des militants, mais des journalistes qui croient en la nécessité d'être en première ligne, là où ont lieu les pires atrocités. Tous trois représentent l'engagement, l'honnêteté et la rigueur. Des valeurs qui tendent à se perdre dans notre profession. Aujourd'hui, leur attitude et leur exemple se sont retournés contre eux. C'est à nous aujourd'hui de faire d'eux les sujets de nos histoires, pour que ceux qui pensent qu'ils les ont enlevés comprennent qu’ils se sont trompés avec eux, qu'ils ne sont pas des espions mais des journalistes. Ou pour expliquer à ceux qui les détiennent, que les enlèvements ne servent qu'à établir des trous noirs de l'information sur ce qui se passe sur le terrain. Et qu’après leur enlèvement, personne ne voudra plus aller là-bas pour comprendre ce qui se passe. Tous trois sont des reporters nés, des journalistes dans le sang, au-delà du simple travail pour un média – El Periódico dans le cas de Marc, ou El Mundo pour Javier - ou en tant que freelance. Ricardo ne compte sur le soutien d'aucune rédaction et a dû affronter chaque jour la tendance ultra-protectrice avec laquelle les médias gèrent leurs commandes, a continué à faire son travail sans attendre qu’une rédaction le lui demande. Il ne comprend l'information qu'en étant sur les lieux où les événements se déroulent, au plus près, de l'intérieur, l'oeil rivé toujours collé à son objectif grand angle, toujours loin des intérêts corporatifs ou politiques. Au cours de l'un de ses premiers voyages en Syrie, une vieille dame de Sermen avait confié à Ricardo une mission : son petit-fils de 15 ans venait d'être tué par le tir d’un tank du régime. Tandis qu’elle l’enterrait, en larmes, elle a pris les mains du photojournaliste, elle les a embrassées et lui a demandé: “Raconte au monde comment ils nous tuent”. Depuis ce jour, chaque fois qu’il appuie sur le déclencheur de son appareil photo, il le fait pour redonner un peu de vie à ceux qui vivent entourés par la mort. Tous ceux qui connaissent Ricardo savent que toute cette publicité ne va pas lui plaire. C’est quelqu’un d'extrêmement discret. Il ne proteste jamais; ne critique jamais; ne dit jamais une parole de plus qu’il ne faut. Il agit, simplement. Il le fait par le biais de la photographie, abordant ainsi des sujets que personne ne peut plus ignorer. Face à ses images, on ne peut pas tourner la page. Il vous force à vous arrêter, à observer et à réfléchir. On dit que les artistes se nourrissent d’applaudissements. Ricardo est un artisan, un peintre d'histoires. Dans ses photographies, empreintes d'une sensibilité hors du commun, on entend les pleurs, les bombes; on sent l'odeur du sang et la déchirure de l'âme. Homme de peu de paroles, peu enclin à se donner en spectacle, loin des honneurs, il est une sorte d'antithèse de la modernité . Placid García Planas, un collègue qui a pris de nombreux cafés sur les terrasses de Barcelone avec Ricardo, nous l’a dit quand tout ceci a commencé: “Ricardo est une si bonne personne qu’il ne ressemble pas un journaliste". C’est peut-être pour cela qu'il a fini par devenir ami avec Javier Espinosa et qu’ils ont commencé à voyager ensemble. Javier Espinosa est un autre exemple de ceux qui, avec leur discrétion et simplicité, donnent des leçons de journalisme et de vie, tout en souriant, et nous font nous sentir comme des enfants et des apprentis. Aucun des deux n'est kamikaze ou suicidaire. Ils ne recherchent pas le risque pour le risque, ni l'adrénaline. Ils ne prennent pas d'autres dangers que ceux inévitables et strictement nécessaires pour raconter ce qui doit être raconté, du lieu où il faut le raconter. Tous deux savaient parfaitement ce qu’ils faisaient, de là où ils allaient et de comment ils le faisaient et ce qui pouvait leur arriver. Parce qu’ils le savaient, parce que tous deux avaient déjà vécu des situations similaires dans le passé sans jamais rendre leur tablier, nous nous devons de les respecter plus encore. Marc Marginedas quant à lui entend le journalisme comme un acte de liberté absolue, comme une mission visant à dépasser les conventions. Raconter l'histoire d'hommes et de femmes, recueillir auprès des gens dans la rue des témoignages, à s'en user les semelles. Marc est têtu. Rien ne l’a jamais arrêté. Ni les frontières que les hommes dessinent pour emprisonner ce qui les rend en réalité humains, ni ceux qui cultivent la censure de la médiocrité chez ceux qui dirigent les médias et considèrent que l'information internationale est un produit cher peu rentable, pour laquelle il en vaut pas la peine de dépenser un centime. Marc lutte contre tout cela depuis des années, engagé et convaincu qu'il y a des milliers d'histoires à raconter sans personne pour les narrer, comme si en réalité elles n’existaient pas. L'enlèvement de Ricardo et Javier, comme celui de Marc ou de James Foley, Austin Tice, Didier François, Edouard Elias, Pierre Torres, Nicolas Henin, Bachar Kadumi, Samir Kassab, Ishak Mokhtar, Magnus Falkehed ou Niclas Hammarström et celui des autres journalistes qui couvraient le conflit jusqu'à ce qu'on décide de les bâillonner, va non seulement contre ceux qui les privent de leur liberté, mais aussi contre la possibilité pour le monde de savoir ce qui se passe en Syrie. C'est ce qu'on appelle la liberté de la presse et, au final, la démocratie. Il est important qu'il existe encore des règles qui permettent au monde de savoir ce qui se passe au coeur des guerres. Pour cette raison, mais surtout parce que leurs familles et amis les attendent. Les journalistes (espagnols et internationaux) soussignés:Alberto Arce, Gervasio Sánchez, Rafael Sánchez Fabrés, JM López, Diego Ibarra Sánchez, Ethel Bonet, Cesare Quinto, Omar Havana, Fabio Bucciarelli, Antonio Pampliega, José Miguel Calatayud, Álvaro Ybarra Zabala, Laura Jiménez Varo, Philip Poupin, Sergi Cabeza, Walter Astrada, Diego Represa, Gabriel Pecot, Andoni Lubaki, Maysun, André Liohn, Sylvain Cherkaoui, Javier Martin, Andrea Bernardi, Alberto Pradilla, Alfonso Bauluz, Samuel Rodríguez, Marc Javierre, Salvador Campillo, Plácid García Planas, Félix Flores, Manu Brabo, Mónica Bernabé, Rodrigo Abd, Javier Manzano, Iván M. García, Narciso Contreras, Mikel Ayestarán, Mayte Carrasco, Luis de Vega, Giulio Piscitelli, Lola Banon, Daniel Iriarte, Ramón Lobo, Ana Galán, Rubén García, Maria-Alba Gilabert, David Rengel, Elisa Arroyo Calvo, Joaquín Gómez Sastre, Marta Ballesta, Silvia Barradas Pinto, Alfred Hackensberger, Mar San Juan,Pablo Tosco, Sabrina Pindo, Lola Hierro.
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20.01.2016