Le 15 octobre, dans un contexte de durcissement de la crise, deux médias ont été réduits au silence par un attentat, les éditions de deux journaux ont été saisies, plusieurs médias et journalistes ont rapporté des cas de menaces ou d'agressions… Alors que l'armée ou les services de renseignements sont mis en cause par la presse, Reporters sans frontières a demandé au président Sanchez de Lozada l'ouverture d'enquêtes.
"Alors que l'armée ou les services de renseignements sont mis en cause dans des attaques contre la presse, nous demandons l'ouverture d'enquêtes sur ces différents cas afin que les responsables soient sanctionnés", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, dans une lettre adressée au président Sánchez de Lozada. "Sans attendre les résultats de ces investigations, nous vous demandons de donner des consignes très claires aux différentes forces de l'Etat pour qu'elles respectent la liberté de la presse", a ajouté l'organisation.
Le 15 octobre 2003, en fin d'après-midi, un émetteur de Radio Pio XII, une station catholique basée à Oruro (200 km au sud de La Paz), et de la chaîne Televisión Universitaria a été détruit par une explosion. Selon la direction de la radio, deux hommes cagoulés ont neutralisé le gardien des installations et placé un explosif sur l'antenne. La station rappelle que des fonctionnaires lui avaient reproché sa couverture de la répression. Les deux médias ne peuvent plus émettre.
Comme Radio Pio XII de Oruro, Radio Pio XII de Cochabamba (sud-est de La Paz), le réseau de radios Erbol (Educación Radiofónica de Bolivia), Radio Pachamama et la radio Celestial, basées à El Alto et La Paz, ont reçu de nombreuses menaces au cours des trois jours précédents.
Toujours le 15 octobre, des agents des services de renseignements ont saisi les éditions du jour du quotidien El Diario et de l'hebdomadaire Pulso. Le premier faisait sa une sur le bien-fondé de la démission du président Sánchez de Lozada tandis que le second révélait que quatre experts militaires de l'ambassade des Etats-Unis conseillaient les forces armées boliviennes dans la répression du mouvement de protestation.
Pour sa part, Monica Medina, directrice de la chaîne de télévision Radio Televisión Popular (RTP) a rapporté le même jour que ses lignes de téléphone ont été coupées. Selon Eduardo Godoy, responsable de l'information, une nouvelle ligne de téléphone a immédiatement été installée. La chaîne, critique à l'égard du gouvernement, aurait reçu des appels anonymes menaçant de détruire ses installations ou de voir ses journalistes pris à partie dans la rue si elle ne suspendait pas ses émissions.
Par ailleurs, la chaîne Cadena A, proche de l'opposition, a également rapporté des menaces des membres de l'armée. Dans la journée, ses programmes ont été brièvement suspendus et remplacés par de la musique. Les émissions ont repris avec la diffusion d'un message d'Amalia Pando, directrice de la chaîne, annonçant qu'elle soutenait la rédaction face à des menaces extérieures, sans préciser lesquelles. Selon l'Agence France-Presse, le ministre du Travail, Adalberto Kuajara, a déclaré qu'il s'agissait d'un "malentendu" et que le gouvernement respectait la liberté d'expression.
Le même jour, à La Paz, Walter Chávez, directeur de l'édition bolivienne du mensuel français Le Monde Diplomatique et du bimensuel El Juguete Rabioso, a accusé des agents des services de renseignements de le persécuter. Il a également précisé avoir reçu de nombreuses menaces par téléphone. Il affirme avoir été contraint de suspendre la parution d'une édition spéciale qui devait sortir le 16 octobre dans laquelle le journal se prononçait pour la démission du Président.
Enfin, Carlos Colque, correspondant du réseau de radio Erbol à Patacamaya (environ 100 km au sud de La Paz), a été touché au dos par une balle en caoutchouc tirée par un militaire, juste après avoir été menacé par un lieutenant-colonel de l'armée.
Un fort mouvement social violemment réprimé secoue la Bolivie depuis plusieurs semaines. Les syndicalistes et les leaders indigènes ont appelé à la grève générale pour protester contre un projet du gouvernement d'exportation de gaz naturel. La ville de El Alto, située à 15 km de La Paz, a été le centre des mobilisations ces derniers jours. Au cours des trois semaines de crise, quatre-vingts personnes auraient trouvé la mort dans les affrontements opposant manifestants et forces de l'ordre.