Le second décès d'un suspect en état d'arrestation jette un doute sur la volonté des autorités de faire la lumière sur la mort du directeur de Radio Haïti Inter
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Dans une lettre adressée à Jean-Bertrand Aristide, président de la République, Reporters sans frontières (RSF) a exprimé son indignation après la mise à mort par une foule de manifestants de Panel Rénélus, l'une des meurtriers présumés du journaliste Jean Dominique, au lendemain de son arrestation par la police. L'organisation a demandé l'ouverture immédiate d'une enquête administrative pour que les responsables de la sécurité du prisonnier au sein de la police soient sanctionnés. RSF a également demandé au Président l'ouverture d'une enquête afin que les auteurs de ce crime soient punis et que toute la lumière soit faite sur leurs mobiles.
"De nombreuses zones d'ombre entourent cet assassinat : pourquoi le prisonnier a-t-il été conduit dans un sous-commissariat où il n'était même pas enfermé dans une cellule ? Pourquoi a-t-il été conduit à Léogane et non à Port-au-Prince ? Comment se fait-il que la police n'ait pas opposé de résistance aux manifestants ?", s'est interrogé Robert Ménard, secrétaire général de RSF. Ce dernier a rappelé : "Il s'agit de la deuxième personne suspectée d'avoir participé à l'assassinat du journaliste qui meurt dans des circonstances douteuses après avoir été arrêtée par la police." "Dans cette affaire, il semble que la police se soit une nouvelle fois discréditée. Quand bien même il ne s'agirait que de négligences, celles-ci contredisent la volonté de faire la lumière sur cette affaire que vous et votre gouvernement avez proclamée à plusieurs reprises ", a conclu Robert Ménard.
Selon des informations recueillies par RSF, Panel Rénélus, un complice présumé dans l'assassinat de Jean Dominique, directeur de Radio Haïti Inter, a été tué à coups de pierres et de machettes par une foule de manifestants, le 9 novembre 2001. La scène a eu lieu juste après que le juge Claudy Gassant, en charge de l'enquête sur la mort du journaliste, était venu constater que le prisonnier n'était pas détenu au commissariat central mais dans un sous-commissariat. Il avait demandé que le suspect, considéré comme important pour l'enquête, soit transféré dans un lieu plus sûr. Ce dernier ne se trouvait pas dans une cellule mais allongé par terre dans un couloir du sous-commissariat, les pieds et les mains menottés. C'est peu après avoir rejoint son véhicule que le juge a vu la foule le massacrer.
"La police l'a livré à la foule", a expliqué le magistrat. Il a rapporté que le responsable du sous-commissariat a refusé d'enfermer Panel Rénélus dans une cellule lorsqu'il le lui a demandé. Des complices du suspect, placés dans des cellules, n'ont pas été agressés. Après avoir tué Rénélus, la foule aurait tenté de s'en prendre au juge qui a pu quitter les lieux sous la protection de ses gardes du corps. Bien que le directeur général de la police, Jean Nesly Lucien, ait promis des renforts, aucune patrouille n'a été dépêchée. Les policiers présents n'ont semble-t-il opposé aucune résistance à la foule, tirant des coups de feu en l'air pour la disperser une fois le crime commis. Le lendemain matin, le porte-parole de la police, Jean Dady Siméon, a expliqué à l'antenne de Radio Haïti Inter que "la foule a estimé qu'elle (avait) suffisamment de structure pour juger Panel et qu'elle (pouvait) lui donner la sentence qu'il (fallait)."
Panel Rénélus avait été arrêté la veille à Malpasse, un poste-frontière avec la République dominicaine situé à 40 km à l'est de Port-au-Prince, puis immédiatement transféré à Léogane, situé à 30 kilomètres au sud-ouest de la capitale. La ville de Léogane, où Rénélus est soupçonné d'avoir commis plusieurs crimes, ne compte pas de chambre criminelle. Plusieurs observateurs s'interrogent sur les raisons pour lesquelles Panel Rénélus n'a pas été détenu à Port-au-Prince, où il était poursuivi pour l'assassinat du journaliste, alors qu'il faut traverser la capitale pour arriver à Léogane. "Le conduire au sous-commissariat de Léogane, c'était le jeter dans la gueule du lion", a confié l'un d'entre eux à RSF.
Arrêté le 15 juin 2000, Jean Wilner Lalanne, soupçonné d'avoir servi d'intermédiaire entre les commanditaires et les exécutants de l'assassinat de Jean Dominique, était mort quelques jours plus tard, après avoir subi une opération bénigne. Son corps avait ensuite disparu de la morgue alors que les enquêteurs souhaitaient pratiquer une autopsie.
Le 3 avril 2000, Jean Dominique, le directeur de Radio Haïti Inter et analyste politique haïtien le plus connu du pays, était abattu avec le gardien de la station, Jean-Claude Louissaint, dans la cour de la radio. D'après sa veuve, Michèle Montas, "Jean a été tué parce qu'il était incontrôlable". Dans son éditorial du 19 octobre 1999, le journaliste avait vivement mis en cause les ambitions de M. Toussaint, membre de Fanmi Lavalas. Début août 2001, le juge d'instruction a demandé la levée de l'immunité parlementaire de ce dernier, élu sénateur en mai 2000, pour son implication présumée dans l'assassinat du journaliste. Invoquant d'autres priorités, le Sénat ne s'est toujours pas prononcé.
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20.01.2016