Le procureur général met sous les verrous l'un des journalistes les plus critiques à son égard
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(actualisation : Oleg Liachko a été libéré, le 23 avril, en fin d'après midi, suite à l'intervention de l'ombudsman d'Ukraine et du rapporteur sur l'Ukraine de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, saisis par Reporters sans frontières.)
Dans une lettre adressée à Leonid Koutchma, président d'Ukraine, Reporters sans frontières (RSF) s'est indignée de l'incarcération du journaliste Oleg Liachko, pour une affaire de diffamation envers un "haut responsable du parquet général".
"Le procureur général d'Ukraine, Mihailo Potebenko, est, de toute évidence, derrière la décision d'engager des poursuites contre Oleg Liachko, l'un des journalistes les plus critiques à son égard, puis de le placer en garde à vue. Nous accusons, pour notre part, le procureur général d'être le principal obstacle au respect par l'Ukraine des engagements que vous avez pris en matière de droits de l'Homme, et d'être, en particulier, directement responsable de l'obstruction constatée ces deux dernières années dans les enquêtes sur les assassinats et les agressions graves de journalistes en Ukraine", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l'organisation. "Nous vous demandons d'intervenir personnellement pour que Oleg Liachko soit immédiatement libéré, et pour qu'il n'ait pas à subir l'arbitraire du parquet général d'Ukraine. L'incarcération d'un journaliste pour délit d'opinion est contraire à tous les standards européens. Nous nous tiendrons aux côtés d'Oleg Liachko dans les semaines à venir", a ajouté Robert Ménard.
D'après les informations recueillies par RSF, Oleg Liachko, rédacteur en chef de l'hebdomadaire privé Svoboda, a été interpellé, le 15 avril 2002, par la police de Tcherkassy, alors qu'il se présentait au parquet local pour répondre d'accusations de diffamation envers un "haut responsable du parquet". Le journaliste, particulièrement critique envers le procureur général Mihailo Potebenko a été inculpé d' "abus de pouvoir", de "violation du principe de non-ingérence dans la vie privée", et de "résistance aux forces de l'ordre".
Le 24 mars, le chauffeur du véhicule assurant la diffusion du journal Svoboda avait été agressé, et l'essentiel du tirage détruit par ses agresseurs. Le 7 juin 2001, le tribunal d'arrondissement Minsky de Kiev avait condamné Oleg Liachko à une peine de deux ans de prison avec sursis et à l'interdiction de poursuivre son activité professionnelle de rédacteur en chef du journal Svoboda pour des articles écrits en 1997. Le 18 octobre, le tribunal d'appel de Kiev avait annulé cette condamnation compte tenu de l'entrée en vigueur, en septembre, des dispositions du nouveau code pénal décriminalisant la calomnie. Le 31 mars 2000, Oleg Liachko, avait été agressé par deux inconnus dans la cage d'escalier de son domicile, à Kiev. Souffrant d'un traumatisme crânien, il avait été hospitalisé.
Reporters sans frontières rappelle que les violences et menaces envers la presse se sont agravées en 2001, malgré les pressions du Conseil de l'Europe. Dans l'affaire Géorgiy Gongadze, le parquet général et le ministère de l'Intérieur, dont le journaliste avait dénoncé les menaces dans les semaines précédant sa disparition, s'opposent à toute enquête sérieuse. La réforme du code pénal est entrée en vigueur en septembre 2001 et la dépénalisation de la calomnie s'impose désormais aux tribunaux et au parquet. Ce dernier est néanmoins toujours prompt à demander de lourdes sanctions pour toute mise en cause par la presse des responsables politiques, judiciaires ou des magnats de l'industrie.
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20.01.2016