Reporters sans frontières dénonce fermement les restrictions à l'activité des médias prévues par un projet de loi, voté en première lecture par le parlement ukrainien le 12 août 2014. S'il est définitivement adopté, ce texte permettra au Conseil de sécurité nationale et de défense d'interdire, sans décision de justice, la diffusion de n'importe quel média.
Les autorités ukrainiennes vont-elles entériner un recul majeur pour la liberté de l'information au nom de la « sécurité nationale » ? Le parlement ukrainien a voté en première lecture, le 12 août 2014, un
projet de loi autorisant le Conseil de sécurité nationale et de défense (RNBO) à introduire des sanctions contre toute entité ou individu, ukrainien comme étranger, pour protéger la « sécurité ou les intérêts nationaux ». Le texte doit être examiné en seconde lecture le même jour. Parmi les multiples sanctions envisagées, figurent « la limitation ou l'interdiction de l'activité de médias ou d'autres sources d'information, y compris sur Internet » et « l'interdiction de la production ou de la diffusion de toute production imprimée et d'autres contenus informationnels ». Le texte précise spécifiquement que « la diffusion de chaînes de télévision ou de stations de radio » peut être interdite, tout comme « l'utilisation de fréquences radio ukrainiennes ».
Elaboré par le gouvernement, le projet de loi N°4453 n'a été enregistré au parlement que le 8 août, soit quatre jours avant la première lecture. L'étude d'impact, lapidaire, affirme que « le projet de loi ne nécessite pas de consultation avec la société civile ». De fait, aucun des groupes de travail constitués avec les représentants de médias et d'ONG n'ont été consultés, pas plus que la commission parlementaire sur la liberté d'expression.
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L'adoption définitive de ce projet de loi représenterait un recul majeur pour la liberté de l'information, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l'Est et Asie centrale de Reporters sans frontières.
Il confère au RNBO le pouvoir exorbitant d'ordonner la censure la plus large, sur des critères extrêmement flous, et sans aucun garde-fous. Nous appelons instamment les députés à rejeter en seconde lecture ce texte incompatible avec les engagements de Kiev en matière de protection des libertés. Les conventions internationales ratifiées par l'Ukraine rappellent qu'en toutes circonstances, les restrictions à l'activité des médias doivent être strictement nécessaires et proportionnées. Les défis majeurs auxquels sont confrontées les autorités ukrainiennes et leur souci légitime de défendre la sécurité nationale ne justifient en aucun cas pareille atteinte au droit constitutionnel à la liberté d'expression. »
Placé sous la direction du président de la République, le RNBO regroupe les principaux ministres régaliens et les directeurs des différents organes de sécurité (renseignements, armée, parquet général...) pour coordonner les politiques publiques en la matière. Le projet de loi N°4453 lui confère le pouvoir de décider la mise en œuvre, la modification ou la levée des sanctions. Décision qui est ensuite sanctionnée par un décret du président de la République. Les sanctions en question sont destinées à « protéger la sécurité et les intérêts nationaux », « la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine, son indépendance économique », à « prévenir la violation des droits, libertés et intérêts des citoyens ukrainiens » ou à « les restaurer ».
(photos : Sergei Supinky / AFP)