Le nouveau gouvernement polonais doit saisir l’opportunité historique d’initier des réformes concertées et systémiques pour la liberté de la presse
Après huit années du parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir, au cours desquelles la Pologne a chuté de la 18e à la 57e place au Classement mondial de la liberté de la presse, Reporters sans frontières (RSF) appelle le gouvernement de Donald Tusk à prendre des mesures fortes en faveur de la liberté de la presse. Après un débat public inclusif, des réformes systémiques sont nécessaires notamment concernant les médias publics.
Le 13 décembre, la Coalition civique et d’autres partis auparavant d’opposition ont pris les rênes du pays après avoir pris l’engagement d’endiguer l’érosion démocratique. Le PiS, anciennement au pouvoir mais qui continue d’occuper certains postes clés, dont celui de la présidence de la République, a en effet sapé l’indépendance de plusieurs institutions, dont les médias de service public, qui ont livré une couverture partiale de la dernière campagne électorale. Toutefois, le gouvernement du Premier ministre Donald Tusk dispose d’une majorité de plus de 240 membres sur 460 à la Chambre basse du Parlement, le Sejm.
“Après avoir fait campagne sur les questions d’État de droit et remporté une solide majorité au Parlement, les partis à la tête de la Pologne détiennent la légitimité et le pouvoir d’améliorer de manière significative la liberté de la presse dans un pays clé de l’Union européenne. Nous les appelons à transformer cette opportunité historique en mesures systémiques en faveur de l’indépendance des médias et de la protection des journalistes, au terme d’un débat public inclusif. RSF se tient prête à apporter son expertise internationale.
Avant les élections du 15 octobre, RSF a publié 15 recommandations rédigées en collaboration avec des experts et des médias polonais, à la suite de discussions avec le parti au pouvoir et les principaux partis d’opposition. Elles visent à une réforme en profondeur et largement concertée des médias publics, une égalité des chances dans le marché et dans l’accès à l’information pour les médias publics et privés, des mesures contre les procédures-bâillons et le renforcement de la sécurité et des droits des journalistes.
En ce qui concerne la réforme des médias publics, qui constitue une priorité pour le nouveau gouvernement, les changements doivent aller au-delà d’une refonte des équipes. RSF propose de renforcer la transparence et de réduire l’influence politique en matière de contrôle, de financement et de procédure de nomination des dirigeants de l’agence publique de télévision, de radio et de presse. Dans un premier temps, l’organisation recommande également l’adoption d’un projet de loi complet visant à garantir leur indépendance, leur impartialité et leur pluralisme interne.
Fin de la politique de “repolonisation”
Lors d’une réunion avec RSF en octobre dernier, l’un des principaux candidats du parti Coalition civique, alors d’opposition, et aujourd’hui ministre de la Justice, Adam Bodnar, avait convenu que “les médias publics polonais et les institutions de surveillance ont besoin d’une réforme systémique qui leur fourniront des garanties pour leur indépendance vis-à-vis du gouvernement” et que “l’influence politique dans la sélection des dirigeants des médias publics doit être réduite au profit de l’implication de la société civile et d’experts”.
Pour ce qui est des médias privés, la politique de “repolonisation” visant à exercer un contrôle sur la ligne éditoriale doit immédiatement cesser en supprimant les investissements de l’État et des entreprises publiques de la propriété des médias. Enfin, RSF recommande des mesures pour protéger les journalistes contre les poursuites judiciaires abusives et les violences lors des manifestations.
Au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023, la Pologne occupe le 57e rang sur 180 pays après avoir chuté de 39 places depuis 2015, date à laquelle le PiS a accédé au pouvoir.