Procès à répétition, censure institutionnalisée, propagande... La réalité seychelloise est bien différente des clichés touristiques. Menacé d'asphyxie financière, le principal journal indépendant de l'archipel risque de disparaître.
Mise à jour :
Selon de nouvelles informations recueillies par Reporters sans frontières (RSF), la plainte en "diffamation" intentée au seul journal indépendant Regar par le vice-président James Michel, n'a pas encore été jugée. Contrairement à ce qu'avait affirmé RSF, le 14 mars, Regar n'a donc pas été condamné à payer 500 000 euros de dommages et intérêts.
"Ceci ne change en rien les craintes de Reporters sans frontières. Nous estimons que les autorités veulent faire taire l'une des rares voix indépendantes du pays. Il y a toutes les raisons de prendre au sérieux les menaces qui pèsent sur Regar", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l'organisation.
Communiqué de presse du 14 mars 2002 :
Dans un courrier adressé au président de la République, France Albert René, Reporters sans frontières (RSF) a protesté contre le harcèlement dont est victime le seul journal indépendant de l'archipel. "Les touristes qui visitent les Seychelles doivent savoir que 'la plus belle plage du monde' cache l'un des régimes les plus répressifs de l'océan Indien en matière de liberté de la presse", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l'organisation. "Le seul journal qui refuse de se soumettre à la censure institutionnalisée a été condamné à payer trois millions d'euros de dommages et intérêts au Président et à son entourage. Pour un journal tirant à 3000 exemplaires, il s'agit d'une mort annoncée", a ajouté M. Ménard. RSF a demandé la levée des condamnations qui asphyxient financièrement le journal.
En février 2002, d'après les informations recueillies par RSF, l'hebdomadaire privé Regar a été condamné à verser un demi-million d'euros au vice-président James Michel pour "diffamation". Le journal avait publié, en novembre 2001, un article faisant état du rachat à un prix dérisoire d'un terrain sur lequel figure une somptueuse villa construite aux frais de l'Etat par le vice-président à Sans Souci (île Mahé). Cette condamnation, la dernière en date, porte le montant total des sommes dues par le journal, au titre des dommages et intérêts pour "diffamation" ou atteinte à la considération, envers le Président et de nombreux hauts fonctionnaires, à trois millions d'euros.
Selon la troisième Constitution seychelloise, la liberté de la presse est garantie, mais elle reste limitée "pour protéger la réputation, les droits, et les libertés des vies privées des personnes" et dans "l'intérêt de la défense, de la sécurité publique, de la moralité publique, ou de la santé publique".
Par ailleurs, l'Etat bénéficie d'un monopole de fait sur l'ensemble des médias audiovisuels. La seule chaîne de télévision est publique et les frais de licence des radios sont si élevés qu'il est quasiment impossible de créer une station privée. En septembre 1998, les députés du parti au pouvoir, le Seychelles People's Progressive Front (SPPF- Front progressiste du peuple des Seychelles) s'étaient opposés à l'adoption d'un projet de loi soumis par l'opposition visant à réduire ces frais.
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Réponse des autorités seychelloises :
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| Monsieur le Secrétaire Général,
C'est avec étonnement que le Président de la République des Seychelles, Monsieur France Albert René, a pris connaissance de votre lettre en date du 14 mars concernant une affaire de justice qui oppose l'hebdomadaire REGAR au Vice-Président de la République, Monsieur James Michel. Votre lettre fait mention, sans doute par mégarde, d'un jugement au titre de dommages et intérêts.
Evidemment votre organisme a été mal renseigné parce que non seulement le jugement n'a pas encore été rendu mais cette affaire n'a même pas encore été plaidée. Naturellement le Président de la République, ne se permettrait pas de se prononcer sur une affaire judiciaire en cours.
De tout façon, l'Agence REUTERS a déjà diffusé vitre article, malheureusement sans vérifier son contenu. Ceci comme vous pouvez imaginer nous cause un préjudice grave. La mention du tourisme dans votre article nuit sans aucun doute à cette industrie qui jusque-là a bien résisté au contexte mondial très fragilisé.
Votre article donc ne pouvait pas tomber plus mal.
Nous avons, aux Seychelles, une très grande estime envers votre organisme et sa noble mission mais nous estimons aussi qu'une presse libre est d'abord et avant tout une presse équitable et juste.
Enfin, nous vous signalons qu'il est inexact d'affirmer que REGAR est le seul organe de presse indépendant aux Seychelles et nous vous invitons à vérifier cela par vous-même. Dans ce domaine nos portes sont ouvertes et nous vous assurons d'une co-opération sans faille.
Usant du droit de réponse qu'appelle cette situation, je vous prie de bien vouloir diffuser au plus tôt possible l'intégralité de cette réponse.
Je vous indique également, compte tenu de la gravité des assertions contenues dans votre lettre, et qui ont déjà fait l'objet d'une diffusion, que la Présidence de la République des Seychelles se réserve la possibilité de faire valoir ses droits et ses intérêts en la matière.
Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire Général, l'expression de mes salutations distinguées. |
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