Sergio Vieira de Mello, haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, s'est déclaré contre toute tentative d'exclusion de Reporters sans frontières et de remise en cause de son statut actuel d'observateur.
Lors d'une conférence de presse qu'il a donnée le 30 mai aux Nations Unies à Genève, Sergio Vieira de Mello, haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, s'est exprimé sur la demande de suspension pour un an du statut consultatif de Reporters sans frontières par le Comité chargé des organisations non gouvernementales au sein des Nations unies.
Il a déclaré : "J'ai dit à notre ami Ménard que j'avais de fortes réserves quant à la façon dont ses collaborateurs s'étaient comportés à l'ouverture de la Commission des droits de l'homme, mais je suis personnellement, en tant que haut commissaire, contre toute tentative d'exclusion de Reporters sans frontières, de son statut actuel d'observateur. Vous savez que ces décisions ne sont pas prises par nous, par le Secrétaire général, il y a un Comité à New York qui statue sur ces choses. Je suis opposé à ce que cette mesure soit prise contre Reporters sans frontières. Je suis manifestement pour la liberté d'expression, qui est l'un des droits fondamentaux de la personne humaine, pour le droit des ONG à s'exprimer librement, comme elles l'ont d'ailleurs fait pendant toute la Commission des droits de l'homme. Personne n'a remarqué cela, c'est le seul forum des Nations Unies où toutes les ONG peuvent dire ce qu'elles veulent, et on devrait reconnaître cela au moins à la Commission. Reporters sans frontières a le droit de dire et d'écrire ce qu'ils pensent mais ils doivent quand même respecter certaines règles, ce qu'ils n'ont pas fait à l'ouverture de la Commission et je le regrette."
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Reporters sans frontières menacée d'une suspension d'un an
Comment prendre au sérieux les neuf pays qui ont voté cette proposition (Chine, Côte d'Ivoire, Cuba, Iran, Pakistan, Russie, Soudan, Turquie et Zimbabwe) ? Tous, sans exception, bafouent les libertés les plus élémentaires. Quant aux autorités cubaines, à l'initiative de cette décision, elles n'ont pas jugé bon, tout en étant membre de la Commission des droits de l'homme, de ratifier les principaux Pactes qui concernent les libertés fondamentales. Tout cela serait risible si une telle décision ne traduisait l'état de déliquescence de tout un système qui voit des Etats, parmi les plus prédateurs de la planète en matière de droits de l'homme, faire la leçon à ceux-là mêmes qui dénoncent leurs agissements et en défendent les victimes.
Le 20 mai, le Comité chargé des organisations non gouvernementales au sein des Nations unies a recommandé la suspension pour un an du statut consultatif de Reporters sans frontières. Pour entrer en vigueur, cette proposition doit être approuvée par le Conseil économique et social - une structure dépendant de l'Assemblée générale de l'ONU - qui devrait se prononcer en juillet prochain.
Ce vote fait suite à une plainte de la délégation cubaine, reprochant à Reporters sans frontières d'avoir troublé la séance d'ouverture de la 59e Commission des droits de l'homme le 17 mars dernier à Genève. Le représentant cubain a estimé que les militants de l'ONG avaient eu " un comportant insultant à l'égard d'un Etat membre " et " s'étaient livrés à des actes incompatibles avec les principes et les buts de la Charte des Nations unies ". Sur les dix-neuf membres que compte ce Comité, neuf ont voté pour la suspension de Reporters sans frontières, six ont voté contre (Allemagne, Chili, Etats-Unis, France, Pérou, Roumanie) et quatre se sont abstenus (Cameroun, Colombie, Inde, Sénégal).
Auparavant, la délégation française avait déposé une motion de " non-action " afin " d'empêcher toute prise de décision hâtive ". Le représentant de la France a estimé " indispensable que, pour des raisons de droits, de principes et de procédures, le Comité puisse entendre les responsables de Reporters sans frontières avant de se prononcer sur une suspension ". En effet, jamais depuis 1966, le Comité des ONG n'a pris une décision de suspension ou de retrait sans avoir entendu, au préalable, les représentants de l'ONG concernée. Plusieurs délégations ont regretté " le fâcheux précédent que constitue ce vote ".
Le 17 mars 2003, six membres de Reporters sans frontières avaient jeté des tracts dans la Salle des Assemblées alors que la nouvelle présidente libyenne, Najat Al-Hajjaji, prononçait son discours inaugural. "Enfin l'ONU a nommé quelqu'un qui sait de quoi il parle !", affirmait ironiquement le tract, lancé par les activistes. Reporters sans frontières entendait ainsi dénoncer la mascarade que représentait la présidence de la Libye. Et l'ONG de s'interroger sur la crédibilité que peut encore avoir une instance dirigée par le représentant d'un pays qui commet au quotidien les pires exactions en matière de droits de l'homme.