Le gouvernement mis en cause par ses fonctionnaires dans le scandale des “Chuzadas”, les pressions contre la presse se poursuivent
Organisation :
Le 22 février 2010, le parquet général de la nation a directement mis en cause quatre anciens hauts responsables des services de renseignements et le secrétaire général de la présidence de la République, Bernardo Moreno, dans le scandale des écoutes sauvages (“Chuzadas”) contre des personnalités réputées critiques envers le gouvernement, parmi lesquelles des journalistes.
“Du DAS sortaient des tracts et des pamphlets visant des journalistes, des syndicalistes et des ONG”, a déclaré l’ancien chef du contre-espionnage, Jorge Lagos, lors du procès de l’ex-directeur du Département administratif de sécurité (DAS), Jorge Noguera, poursuivi pour “homicide” et “liens avec les paramilitaires”. Il s’agissait de mener des campagnes de discrédit au niveau international par des communiqués ou des vidéos truquées attribuées à la guérilla des FARC. Jorge Noguera a, quant à lui, reconnu pour la première fois avoir répercuté lui-même les informations à la Casa de Nariño, le siège de la présidence de la République. Combien de temps tiendront les dénégations du gouvernement dans ces affaires ? (Voir ci-dessous en espagnol la vidéo de l’ancien secrétaire général du DAS, Gian Carlo Auque, convoqué au procès Noguera).
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Eclaboussant le plus haut niveau de l’État, des atteintes aussi gravissimes à la liberté d’opinion et d’information pèsent très lourd à la veille de l’élection présidentielle du 30 mai, suspendue à la possible prétention d’Alvaro Uribe à un troisième mandat. Dans ces conditions, il est permis de penser que la brutale réduction d’activité, au début de ce mois, de l’hebdomadaire Cambio, et le limogeage de ses directeurs, Rodrigo Pardo et María Elvira Samper, répondaient à autre chose qu’à de purs impératifs économiques. La revue avait notamment révélé, en 2009, les fréquentations mafieuses de l’ancien directeur des ministères publics de Medellín (ville d’Alvaro Uribe), Guillermo Valencia Cossio, ainsi que les négociations entre Washington et Bogota pour l’implantation de sept bases militaires nord-américaines en Colombie.
Photo: AFP
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09.02.2010 - Peu de progrès : Les journalistes courent toujours des risques
La célébration de la Journée du Journaliste en Colombie, le 9 février, sera inévitablement entâcheé. Bien que le gouvernement annonce le "succès" de son modèle de protection de la presse, les journalistes agressés signalent qu’il n’y a pas d’avancée concernant leur sécurité et que la situation ne changera pas tant que la présidence ne se positionnera pas clairement.
Paradoxalement, le gouvernement est devenu l’un des principaux agresseurs des journalistes. Les conséquences des attaques orchestrées par le Département administratif de sécurité (DAS) subsistent. Rappelons que la police secrète de Colombie affectée à la présidence de la République détenait un guide d’espionnage, menaces, intimidations et discrédit envers les journalistes "gênants".
Les journalistes Hollman Morris et Claudia Julieta Duque ont été des victimes du Groupe d’Intelligence Stratégique 3 (G-3) du DAS, qui ont été espionnées, menacées et qui ont subi des tentatives de discrédit. Claudia Julieta Duque bénéficiait du programme de protection du ministère de l’Intérieur jusqu’à ce qu’elle se rende compte que des informations la concernant étaient passées aux services d’espionnage à travers celui-ci.
Tous deux déclarent qu'il n’y a rien à célébrer mais beaucoup à dénoncer : le ministère public général de la nation détient des preuves de la responsabilité du chef de l’Etat dans ces actes d’espionnage et de représailles, puisque le DAS aurait reçu des ordres présidentiels afin d'inclure le journalisme critique parmi les "alliés du terrorisme". Des documents ont été trouvés, démontrant l’espionnage illégal de plus de 300 personnes de la part du G-3, parmi lesquelles se trouvent des journalistes critiques envers le gouvernement. À cela s’ajoutent les scandales dans lesquels ont été plongés quatre directeurs du DAS sur les cinq existants, les contraignant à abandonner leurs postes sous le gouvernement d’Álvaro Uribe. Les fonctionnaires sont accusés d’espionnage illégal, de harcèlement politique et actions paramilitaires (des ‘listes noires’ de personnes à assassiner étaient remises aux paramilitaires).
Sur cette liste sont inscrits les noms d’au moins une douzaine de journalistes gravement affectés par le dispositif. Hollman Morris et Claudia Julieta Duque assurent que leurs familles et eux courent toujours de grands risques. Reporters sans frontières soutient la sollicitude des journalistes : seule una action de la justice et une directive claire de la présidence de la République pourront amorcer un changement dans un climat de sécurité. Reporters sans frontières attend une réponse du gouvernement colombien, ainsi que des progrès dans l’enquête de ces affaires, atteintes majeures de la liberté d’expression. Les mesures de censure affectent plusieurs médias, y compris ceux d’Internet. La situation est inquiétante surtout si l’on tient compte de la proximité des élections.
Photo : AFP
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20.01.2016