Le combat immortel de Win Tin pour la liberté de la presse
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Reporters sans frontières a appris avec une profonde tristesse le décès du journaliste et dissident Win Tin, le 21 avril 2014 à Rangoun. L’un des plus grands défenseurs de la démocratie et de la liberté de l’information en Birmanie s’est éteint. “Son combat et ses idées progressistes en matière de libertés fondamentales continueront cependant d’inspirer les journalistes, les écrivains et les intellectuels de tous bords, en Birmanie et ailleurs dans le monde, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. A l’instar de Gandhi en Inde ou de Mandela en Afrique du sud, Win Tin fait partie de ces géants qui restent des modèles pour des générations.”
En 1989, Win Tin, ancien rédacteur en chef du quotidien Hanthawathi jusqu’à son interdiction en 1978, avait été arrêté et condamné à une peine de vingt ans de détention, notamment pour avoir transmis au rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie des informations sur les conditions de détention et les mauvais traitements infligés aux détenus de la tristement célèbre prison d’Insein.
Vingt-cinq ans ont passé depuis son incarcération et les enjeux restent inchangés. Dans un rapport daté du 12 mars 2014, l’actuel rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Birmanie, Tomas Ojea Quintana, continue de souligner le danger qui pèse sur les journalistes qui diffusent des informations d'intérêt public. Quatre journalistes de l’hebodmadaire Unity et son PDG sont actuellement détenus et poursuivis pour “divulgation de secrets d’Etat”, après avoir révélé l’existence d’une usine secrète d’armes chimiques. Deux autres journalistes ont été condamnés pour s'être intéressés d’un peu trop près à des affaires de corruption. En décembre 2013, une journaliste du quotidien Daily Eleven a été condamnée à trois mois de prison ferme, tandis qu’un reporter de la Democratic Voice of Burma, Zaw Phay, a été condamné à un an de prison pour avoir enquêté sur la gestion d’un programme éducatif par le gouvernement local de la province de Magwe (Centre).
En juillet 2006, alors que Win Tin entamait sa 18ème et avant dernière année de prison, Reporters sans frontières rappelait que le courage et la détermination du journaliste pour la liberté d’expression et la démocratie “ne pouv(aient) faire oublier l’attitude criminelle de la junte militaire”. En août 2013, reconnaissant néanmoins les immenses progrès effectués en matière de liberté de l’information, l’organisation a de nouveau lancé un appel au président Thein Sein afin d’entamer des travaux significatifs sur l’impunité des crimes et les violations systématiques subies par les journalistes et les blogueurs sous le joug de la junte militaire.
“A ce jour, personne n’a été condamné pour les meurtres des journalistes birmans et étrangers par les militaires, notamment durant la révolution de safran”, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières.
Depuis le “printemps birman”, si des réformes ont permis l’ouverture du pays sur le monde et engagé son gouvernement sur la voie de la démocratie, la route est encore longue avant que le projet idéal de Win Tin ne voie le jour. La Birmanie figure à la 145ème place sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse, publié en février 2014 par Reporters sans frontières.
“Les récentes poursuites judiciaires à l’encontre de journalistes qui ne faisaient qu’accomplir légitimement leur devoir, l’adoption de lois sur les médias qui ne sont pas conformes aux standards internationaux et l’autocensure qui remplace désormais, pour certains sujets sensibles, la division d’enregistrement et de vérification de la presse (PSRD), plus connue sous son appellation de ‘bureau de la censure’, sont autant de défis que les héritiers du combat pour la liberté de l’information, pour lequel Win Tin a donné sa vie, doivent prendre à bras-le-corps. La transition démocratique du pays est loin d’être achevée. N’oublions pas que la liberté de la presse en est la pierre angulaire”.
Photo : Yola Verbruggen
Publié le
Updated on
20.01.2016