Les forces armées interdisent aux journalistes de se rendre dans la zone des combats avec Al-Qaida et des groupes taliban. Quatre d'entre eux ont été interpellés et une dizaine d'autres refoulés. Reporters sans frontières demande à l'armée d'accorder des autorisations spéciales à la presse pakistanaise et étrangère.
Depuis le début de l'offensive de l'armée pakistanaise contre des groupes armés taliban et d'Al-Qaida dans la région de Wana (Sud-Waziristan), le travail de la presse a été très largement entravé par les services de sécurité. Au moins quatre journalistes ont été interpellés et une dizaine d'autres refoulés de cette zone tribale.
Reporters sans frontières est consciente que le gouvernement pakistanais doit garantir des conditions minimums de sécurité aux journalistes, mais cela ne peut être une excuse pour empêcher la presse de couvrir en toute indépendance cette opération majeure dans la lutte contre le terrorisme. L'organisation déplore que des journalistes aient été interpellés, refoulés de la zone ou dépossédés de leur matériel. Reporters sans frontières demande aux autorités et notamment au directeur des relations publiques des forces armées (ISPR), le général Shaukat Sultan, de garantir un meilleur accès au Sud-Waziristan en accordant un permis spécial aux journalistes pakistanais et étrangers.
Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, les autorités pakistanaises ont interdit à la quasi-totalité des journalistes étrangers et pakistanais de se rendre dans la zone tribale du Sud-Waziristan. La zone des combats est hermétiquement bouclée par les forces de sécurité. L'armée a certes organisé, le 20 mars, un voyage en hélicoptère à Wana pour un groupe de journalistes de médias étrangers. Mais ceux-ci n'ont pas pu accéder directement aux zones de combats.
Le 16 mars, Mujeebur Rehman, correspondant du quotidien en ourdou Khabrian et stringer de plusieurs chaînes de télévision étrangères, a été interpellé pendant quelques heures alors qu'il tentait de filmer des opérations militaires près de Wana. Les forces de sécurité ont confisqué sa caméra numérique.
Le 18 mars, Shaukat Khattak, reporter pour la chaîne privée Geo TV, a été arrêté à Dabkot alors qu'il tentait de filmer des opérations militaires. Malgré une accréditation en bonne et due forme, le journaliste a été détenu quatre heures. "Les soldats m'ont menacé et insulté comme si j'étais un terroriste", a-t-il affirmé.
Le 19 mars, un reporter et un photographe de l'agence Associated Press ont été refoulés par des militaires à un barrage installé à une heure de route de Wana. Une demi-douzaine d'autres journalistes, dont deux photographes pakistanais, ont été refoulés du Sud-Waziristan, situé à plus de dix heures de route au sud de Peshawar.
Le 21 mars, Haroon Rashid, correspondant de la radio britannique BBC World Service, et Saiful Islam, journaliste du quotidien en ourdou Surkhab et correspondant de la chaîne arabe Al-Jazira, ont été interpellés à l'hôpital militaire de Peshawar (nord-ouest du pays). Ils tentaient d'interviewer des soldats blessés lors des combats dans le Sud-Waziristan. Après trois heures d'attente, des hommes des renseignements pakistanais les ont interrogés sur le motif de leur présence dans l'hôpital. Toutes les photos de leurs appareils numériques ont été effacées et leurs enregistreurs minidisc ont été confisqués.
Une quinzaine de journalistes de Wana sont actuellement employés par les médias internationaux et pakistanais pour collecter des informations. Mais, selon des responsables de rédaction, ces journalistes ne peuvent pas travailler librement. "Ils n'ont pas accès à la zone bouclée par les militaires et doivent faire très attention aux informations qu'ils nous donnent. Ils sont sous pression et ont des réflexes liés à leur origine tribale", a expliqué un journaliste d'un média international basé à Islamabad. Depuis plusieurs années, Reporters sans frontières dénonce les conditions de travail des journalistes de cette région. Dans son rapport annuel 2002, l'organisation écrivait : "Dans les zones tribales, la sécurité et la liberté des journalistes sont toutes relatives. Les autorités locales et les chefs traditionnels menacent les correspondants qui dénoncent leurs abus, commis notamment au nom des lois d'exception."
Enfin, des journalistes de Peshawar ont demandé aux responsables administratifs des zones tribales d'accorder aux journalistes des autorisations spéciales. Sans réponse pour l'instant.