Reporters sans frontières s'inquiète de la multiplication des mesures de censure préventive prises par des juridictions régionales contre les médias. Très souvent sollicitées par des élus, ces mesures servent commodément à mettre ces derniers à l'abri de toute critique. Ces excès judiciaires sont dangereux pour la liberté d'expression.
Reporters sans frontières s'inquiète de la récente multiplication de mesures judiciaires de “censure préventive” à l'encontre de médias. Ces mesures sont surtout le fait de juridictions locales et ne sont généralement pas suivies en appel. Souvent excessives dans leurs attendus, elles instaurent néanmoins, selon l'organisation, un climat d'intimidation et d'incitation à l'autocensure.
“Que des médias soient condamnés parce qu'ils portent atteinte à la protection de la vie privée ou versent dans l'injure n'est pas critiquable en soi. Que, en revanche, la justice en tire argument pour interdire de mentionner un nom ou censurer un programme instaure un climat défavorable à la liberté d'expression. Un élu a le droit de se plaindre que sa vie privée a été étalée sur la place publique sans son accord. Mais qu'il obtienne que son nom ne soit plus cité prive la presse de son droit à le mentionner en tant que personnalité publique. La censure préventive relève alors se l'abus de pouvoir et nous espérons que les nombreuses affaires de ce type, dont celles ici mentionnées, aboutiront à un autre jugement en appel”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 21 juin 2007, le maire de Salvador de Bahia (Nord-Est), João Henrique, a obtenu en justice que le réseau Metrópole (qui regroupe une station de radio, une revue, un site et blog) soit interdit de citer son nom. Si l'interdiction n'est pas respectée, le groupe devra s'acquitter d'une somme d'environ 77 000 euros. Cette mesure a été prise après la publication de la première édition de Metrópole, distribuée gratuitement, comportant une caricature du maire en première page. La justice a également ordonné la saisie de 30 000 exemplaires. Néanmoins, quatre jours plus tard, le juge d'appel João Olegário Monção Caldas, du Tribunal de justice de Bahia, a annulé la sentence, au nom de la liberté d'expression. Le fond de l'affaire est aussi politique. Président de Metrópole, Mário Kertész a, en effet, été maire de Salvador de 1979 à 1981 et de 1986 à 1989. Le patron de presse n'a jamais hésité à utiliser ses médias pour régler des comptes personnels avec son successeur, surnommant ce dernier “l'innommable” sur son blog.
Le 15 juin, la justice de l'État de São Paulo (Sud-Est) a interdit à l'hebdomadaire Folha de Vinhedo de publier une interview dans laquelle l'ex-secrétaire juridique de la municipalité de Vinhedo (État de São Paulo), Paulo Cabral, avait mis en cause les autorités locales dans des affaires de corruption. Ce sont les entrepreneurs cités par Paulo Cabral, Rogério Sanches Cunha et Osias Daudt, ainsi que le juge Herivelto Araújo Godoy, qui ont fait pression pour que l'article ne soit pas publié. Leur avocat a affirmé que l'ex-secrétaire juridique était “sous l'emprise de l'alcool” au moment de ses déclarations au journal. Selon la magistrate Ana Lúcia Xavier Goldman, ces révélations “entacheraient la crédibilité du pouvoir judiciaire et du ministère public de Vinhedo”. La juge a donc ordonné, les 1er et 15 juin 2007, une “censure préventive” contre l'hebdomadaire et fixé une amende d'environ 200 euros par article reproduit et diffusé.
Le 4 mars, la magistrate Maria Isabel Caponero Cogan a ordonné la censure d'une enquête qui devait être diffusée sur la chaîne privée TV Record. Le reportage mettait en cause Armando Tavares Filho, maire d'Itaquaquecetuba (État de São Paulo), dans des affaires de corruption et d'enrichissement illégal.
Le 9 février, une juridiction de l'État de Santa Catarina (Sud) a interdit au quotidien Gazeta de Joinville, de publier tout article mentionnant le nom du maire de la ville du même nom, Marco Tebaldi, de sa femme, et de l'ancienne miss Brésil, Taiza Thomsen. Le quotidien avait, en effet, évoqué une liaison entre cette dernière et l'élu. La mesure de “censure préventive” a été assortie d'une amende, également préventive, fixée à environ 774 euros par jour.