La liberté de l’information, victime collatérale du virus Ebola ?
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Vendredi 7 août la Cour Suprême a annulé l’ordonnance d’interdiction de l’Union de la presse libérienne contre le journal National Chronicle et a ordonné sa réouverture « avec effet immédiat ». Reporters sans frontières salue cette décision de justice, qui survient près d’un an après la fermeture forcée du média par les autorités.
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En pleine épidémie d’Ebola au Liberia, les autorités ont renforcé, ces trois dernières semaines, leur contrôle sur les médias nationaux, dans un contexte où la circulation de l’information est pourtant essentielle à la gestion de la crise sanitaire.
La liberté de l’information fera-t-elle partie des victimes collatérales de l’épidémie d’Ebola? Le 4 septembre 2014, le Syndicat de la presse du Liberia (Press Union of Liberia) a adressé une lettre à la ministre de la Justice, Christiana Tah, pour exprimer son inquiétude face aux récentes atteintes à la liberté de l’information. Depuis que l’épidémie d’Ebola a plongé le Liberia dans une crise sanitaire majeure, les médias nationaux ont subi une série d’exactions : le blocage du générateur du quotidien FrontPage Africa, la convocation à la police de la direction du Women Voices Newspaper, le couvre-feu qui empêche les journalistes de circuler la nuit et la fermeture manu militari du National Chronicle Newspaper, depuis maintenant deux semaines.
Dans sa lettre au ministre, le syndicat de la presse du Liberia insiste sur la volonté des journalistes de participer à la lutte contre l’épidémie d'Ebola et déplore que le rôle de la presse dans cette crise nationale soit ainsi limité et contré.
« Nous soutenons la position du Syndicat de la presse du Liberia face à ces inquiétants développements, déclare Virginie Dangles, adjointe à la direction de la Recherche chez Reporters sans frontières. De telles atteintes à la liberté de la presse sont intolérables. La crise sanitaire traversée par le Liberia ne doit pas servir de prétexte à un durcissement contre les médias. Au contraire, une implication maximale des médias est nécessaire afin d’assurer à la population une information constante sur l’évolution de l’épidémie, les mesures de prévention et la réponse des autorités ».
Les forces de l'ordre ont investi le 1er septembre les locaux du journal d’investigation FrontPage Africa, empêchant ainsi l'impression et la parution du journal. La raison officielle serait la pollution causée par le générateur. Néanmoins, d'autres entreprises voisines utilisant des générateurs autrement plus puissants n'ont pas été inquiétées. Le quotidien avait déjà été fermé pendant trois mois entre août et novembre 2013, et son rédacteur en chef, Rodney Sieh, arrêté.
Le 30 août, l’éditrice du journal Women Voices Newspaper, Helen G. Nah, a été convoquée par la police suite à un article du 29 août intitulé "La police accusée de détourner l'argent destiné à des opérations contre Ebola" (“Police Accused of Ebola Money Corruption: Junior Officers Crying Foul of Unfair Distribution of Operation Money”). Bien qu'aucune charge n'ait été retenue contre elle, elle a été interrogée plusieurs heures.
La possibilité pour les journalistes d’enquêter avait déjà été considérablement limitée depuis plusieurs semaines. Après l'état d'urgence entré en vigueur début août, un couvre-feu avait été instauré le 19 août 2014, empêchant toute personne, y compris les journalistes, de sortir après 21h. Lors de l'établissement de l'état d'urgence, la présidente Elaine Johnson Sirleaf avait prévenu que certains droits des Libériens seraient violés, parmi lesquels les droits de la presse.
L’imposition du couvre-feu est intervenue quelques jours après la fermeture violente du journal National Chronicle Newspaper et l’arrestation de plusieurs membres de son personnel le 14 août 2014. Ce jour-là, les locaux du journal ont été envahis par trois camions de policiers qui ont défoncé la porte, utilisé des gaz lacrymogènes et saisi deux ordinateurs. Ils ont arrêté le rédacteur en chef du service de l'information, Emmanuel Mensah, un technicien informatique, Emmanuel Logan, ainsi que l'éditeur du journal, Philibert S. Browne, brutalisé lors de cette interpellation. Les trois hommes ont depuis été relâchés.
Le journal, qui demeure fermé depuis maintenant plus de deux semaines, avait publié récemment une série d'article mettant en cause le fils de la présidente de la République, Fumba Sirleaf, chef de l'Agence de sécurité nationale (NSA).
Le jour même de la fermeture forcée du journal, le ministre de l'Information, Lewis Brown, avait demandé aux journalistes de se restreindre dans leur couverture de l'actualité : "Nous sommes dans un état d'urgence. (…) Nous voyons sortir un tas de rapports comme si nous étions dans une période normale. S'il vous plaît, si vous ne pouvez pas nous aider, ne nous faites pas de mal. Ceci est le dernier avertissement que vous entendrez de ma part".
Le Liberia occupe la 89ème position sur 180 pays dans le Classement 2014 de la liberté de la presse, établi par Reporters sans frontières.
(en photo: Christiana Tah, ministre la Justice au Liberia)
Publié le
Updated on
20.01.2016