La lettre de RSF à Jean-Claude Juncker l'exhortant à exiger de Varsovie l'abrogation de la loi sur les médias publics
A la veille du débat que doit tenir la Commission européenne sur la situation de l’Etat de droit en Pologne, Reporters sans frontières (RSF) écrit au Président de l’institution, Jean-Claude Juncker, pour l’exhorter à condamner sans ambiguïté la promulgation de la nouvelle loi sur les médias publics et exiger de Varsovie l’abrogation de cette législation.
Monsieur le Président Jean-Claude Juncker,
Toute l'Europe aura les yeux braqués sur la Commission européenne, ce mercredi 13 janvier. Le débat sur la situation de l’Etat de droit en Pologne, que vous présiderez ce jour, ne peut se conclure sans engagement fort de votre part à tous. Il y va de votre crédibilité.
Reporters sans frontières (RSF), organisation internationale de défense de la liberté de l’information, vous exhorte à condamner sans ambiguïté l’entrée en vigueur en Pologne de la nouvelle loi sur les médias publics, qui viole les valeurs fondamentales européennes, et à exiger de Varsovie son abrogation pure et simple.
Cette législation octroie tout pouvoir au gouvernement pour nommer et révoquer les responsables des directions et conseils de surveillance de la Télévision et radio publiques, jusqu’ici choisis selon une procédure supervisée par le Conseil national de l’audiovisuel (KRRiT). Le respect du pluralisme et de la liberté de la presse sont au nombre des critères de sélection pour l’accession à l’Union européenne, cette dernière ne peut exiger des pays candidats ce qu’elle ne saurait imposer à ses propres membres.
Le président polonais, Andrzej Duda a promulgué la loi le 7 janvier dernier, alors qu’elle avait été adoptée une semaine plus tôt sans le moindre débat par les deux chambres du Parlement. Avec d’autres organisations, Reporters sans frontières (RSF) a déposé le 5 janvier une plainte auprès du Conseil de l’Europe, mettant en garde contre la menace que la nouvelle législation représente pour la liberté des médias. L’alerte publiée sur la plate-forme du Conseil pour la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, a été envoyée aux autorités polonaises pour solliciter une réponse, en vain.
Fin décembre 2015, le parti au pouvoir Droit et Justice (PiS), avait déjà montré des signes d’autoritarisme avec l’adoption d’une loi réformant le Tribunal constitutionnel, privant de fait cette juridiction de son indépendance.
Dans sa lettre adressée au ministre polonais des Affaires étrangères Witold Waszczykowski en date du 30 décembre, le Vice-Président Frans Timmermans écrivait : « La liberté et le pluralisme des médias sont cruciaux dans une société pluraliste d'un État membre respectueux des valeurs communes sur lesquelles l'Union est fondée ». Reporters sans frontières (RSF) espère que l’action de la Commission européenne, à l’issue du débat du 13 janvier, s’inscrira dans cette ligne.
Nous avons tous à l’esprit le précédent hongrois, avec l’adoption fin 2010 d’une loi liberticide sur les médias ayant donné lieu à des recommandations d’amendements de la Commission européenne. Ces amendements adoptés depuis par le gouvernement de Viktor Orban étaient purement cosmétiques et n’ont pas réglé le fond du problème, la composition et les attributions du tout-puissant Conseil des médias hongrois restant entre les mains du parti au pouvoir, le Fidesz.
Reporters sans frontières (RSF) met en garde la Commission européenne contre toute compromission, qui mettrait en danger le pluralisme et la liberté de la presse en Pologne.
RSF dit non à l’”orbanisation” de la démocratie polonaise.
Christophe Deloire, Secrétaire général de Reporters sans frontières
Photo : Jean-Claude Juncker © Independent