Journalistes américains, de la menace virtuelle à la menace physique
Reporters sans frontières (RSF) dénonce la rhétorique de plus en plus violente employée par la Maison-Blanche à l’encontre de la presse. Plusieurs journalistes ont reçu de graves menaces après la publication par Donald Trump d’un clip vidéo où on le voit frapper un logo de CNN.
Le 6 juillet dernier, Jared Yates Sexton, journaliste pour le New York Times, Politico et The New Republic, a commencé à recevoir des menaces après avoir écrit un article sur l’auteur de la vidéo qui montre Donald Trump frappant violemment un personnage dont la tête a été remplacée par le logo de CNN lors d’un match de catch. Le président américain avait lui même retweeté ce clip le 2 juillet dernier sur son compte personnel et transformé le logo de CNN en « FNN: Fraud News Network », littéralement « le réseau des fausses informations ». Cette vidéo a été largement perçue comme une incitation à la violence envers les médias.
Les menaces à l’encontre de Jared Yates Sexton se sont intensifiées sur les réseaux sociaux, lorsque le journaliste a également révélé que l’auteur du clip sur CNN avait aussi créé un meme antisémite où figurait une liste d’employés de CNN avec des étoiles de David à côté de leurs noms et de leurs photos. Selon le journal en ligne The Daily Beast, des employés de CNN et leurs familles ont également été menacés. Les parents et l’épouse du journaliste de CNN, Andrew Kaczynski, ont notamment été harcelés plus de 50 fois au téléphone le jour de la parution de l’article qui relatait la façon dont la chaîne avait identifié l'auteur de la vidéo en question.
« Il est alarmant de constater que plusieurs journalistes et leurs familles ont reçu de violentes menaces, quelques jours seulement après que Trump a tweeté une vidéo montrant une scène de violence envers un organe de presse » déplore Margaux Ewen, directrice du plaidoyer et de la communication pour le bureau nord-américain de RSF. « Le message de la Maison-Blanche doit être un message de condamnation et non d’approbation de la violence à l’encontre de la presse qui ne fait que son travail en relayant l’actualité. À un moment où des journalistes du monde entier risquent leurs vies chaque jour pour collecter des informations, il est absolument inacceptable que la violence à leur égard soit favorisée par une quelconque personnalité publique, et encore moins par le président du pays du Premier Amendement. L’attitude de Trump peut être interprétée comme un signe d’encouragement à tous les prédateurs de la liberté de la presse dans le monde qui cherchent à bâillonner une presse libre et indépendante par la violence et des assassinats ciblés. »
Aucune excuse de la Maison-Blanche
Si l’auteur de la vidéo, identifié sous le nom de « HansA**HoleSolo », s’est excusé le 4 juillet pour ses publications, le Président Trump tarde à faire de même. Au lieu de regretter d’avoir diffusé un clip contestable, le président américain a poursuivi ses accusations à l’encontre de CNN et d’autres organes de presse dont il critique la couverture médiatique. Le jeudi 6 juillet, lors d’une conférence de presse conjointe organisée à Varsovie avec le Président polonais Andrzej Duda, Trump a réaffirmé qu'il était convaincu que CNN ne rapportait que des « fake news”.
Les menaces de mort reçues par certains journalistes reflètent la récente escalade de l’hostilité envers la presse aux États-Unis. Une augmentation significative de discours violents et d’altercations a été constatée ces derniers mois. Le 18 mai, un journaliste du CQ Roll Call a été malmené par un agent de sécurité et forcé de quitter le siège de la Federal Communications Commission (Commission fédérale des communications) lors d’une audience publique sur la neutralité du Net. Le 24 mai, un journaliste du Guardian a été physiquement agressé par le candidat républicain au Congrès du Montana, Greg Gianforte. Le 26 mai, le gouverneur du Texas Greg Abbott a plaisanté sur le fait de tirer sur des journalistes après la signature d’une loi réduisant le coût d’obtention d’un permis de port d’arme. Le 21 avril, un nœud coulant a été déposé devant la porte d’un journal local de Californie après que ce dernier a rapporté un décès survenu dans les environs à la fin du mois de mars.
Les États-Unis se situent à la 43e place sur 180 au Classement mondial sur la liberté de la presse établi par RSF en 2017 après avoir chuté de 2 places en 2016.