Jordanie : le journaliste Ahmad Hassan al-Zoubi doit être libéré et la loi sur la cybercriminalité doit être abrogée
Un mois de prison, c’est déjà un mois de trop. Le journaliste Ahmad Hassan al-Zoubi, arrêté le 2 juillet dernier, doit purger une peine d’un an de prison pour avoir publié sur les réseaux sociaux un message critiquant le pouvoir. Reporters sans frontières (RSF) appelle à sa libération immédiate et à l’abrogation de la loi liberticide sur la cybercriminalité qui a rendu possible cette condamnation inique.
Ahmad Hassan al-Zoubi, commentateur satirique de 49 ans, fondateur du site d’information Sawalif et longtemps chroniqueur dans le quotidien d’État Al Rai, est incarcéré depuis le 2 juillet dans la prison de Marka, à Amman, la capitale du pays. Condamné en août 2023, il a d’abord vécu près d’un an dans la peur, en attendant l’exécution de sa peine. Une peine d’un an d’emprisonnement infligée pour un message sur les réseaux sociaux critiquant la gestion par les autorités jordaniennes de la grève des chauffeurs routiers dans la localité de Maan, au sud du pays.
Pour les autorités judiciaires du pays, Ahmad Hassan al-Zoubi est coupable d’avoir “incité à la discorde entre les membres de la communauté”, un crime, selon l’article 17 de la loi sur la cybercriminalité, passible d’un à trois ans d’emprisonnement ou d'une amende minimale de 5 000 dinars (environ 6 500 euros). Et pour l’heure, les juges jordaniens sont déterminés à maintenir Ahmad Hassan al-Zoubi en détention. À trois reprises, ils ont rejeté les recours déposés par les avocats du journaliste pour commuer sa peine en travaux d’intérêt général.
"Chaque minute que Ahmad Hassan al-Zoubi passe entre les murs de la prison de Marka est une minute de trop ! L’incarcération de ce journaliste réputé fondée sur une loi liberticide signale une direction très inquiétante en matière de liberté pour le pays. RSF appelle les autorités jordaniennes à rétablir la situation, en libérant Ahmad Hassan al-Zoubi sans délai et à abroger la loi sur la cybercriminalité qui menace la liberté de la presse.
Chaleur suffocante et cellule surpeuplée
Depuis un mois, les conditions de détention du journaliste Ahmad Hassan al-Zoubi mettent à rude épreuve sa santé. Dans sa cellule de la prison de Marka, Ahmad Hassan al-Zoubi cohabite avec une trentaine de détenus, selon l’avocate Hala Ahed, membre de l’équipe juridique du journaliste contactée par RSF. “Cette surcharge de prisonniers et les températures élevées l’empêchent de dormir et affectent durement son état psychologique”, alerte-t-elle. Des conditions d’autant plus difficiles que le journaliste souffre de diabète et d’hypertension artérielle, souligne l’avocate.
Deuxième journaliste ciblé par la loi sur la cybercriminalité
Outre l’article 17 utilisé contre Ahmad Hassan al-Zoubi, l'article 15 – visant “toute personne qui publie intentionnellement des informations via un site web ou des plateformes de médias sociaux qui contiennent des fausses nouvelles, de la calomnie ou de la diffamation” – fait également partie des articles les plus menaçants pour la liberté de la presse de la loi sur la cybercriminalité, adoptée en 2023 et qualifiée de “liberticide” par RSF dès sa préparation au Parlement jordanien.
En mai, la journaliste d’investigation Hiba Abu Taha avait été la première professionnelle des médias à être ciblée par cette loi sur la cybercriminalité. Elle avait écopé d’un an de prison après la publication d’un article d'opinion pour le média en ligne Annasher sur des liens présumés entre la Jordanie et Israel.
La Jordanie occupe le 132e rang sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.