Israël : le procès Netanyahou ou comment le Premier ministre s'est ingéré dans les médias locaux
La deuxième audience du procès pour corruption du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s’est ouverte le mardi 4 mai. Une affaire qui comprend un large volet médiatique : le chef du gouvernement est accusé d’avoir tenté d’influencer la ligne éditoriale de plusieurs médias locaux. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des pratiques inacceptables et préoccupantes pour l'indépendance de la presse dans le pays.
La première audience à Jérusalem, en avril dernier, avait été riche en révélations. D’autres sont attendues, à partir du mardi 4 mai, date à laquelle s’est ouverte la deuxième audience du procès pour corruption contre Benyamin Netanyahou. Le Premier ministre israélien est impliqué dans plusieurs affaires de corruption, dont les faits remontent aux années 2012 à 2017. Lors de la réouverture de son procès le 5 avril dernier, la procureur du tribunal du district de Jérusalem avait rappelé que le chef du gouvernement israélie était notamment accusé d’avoir “usé de façon illégitime du grand pouvoir gouvernemental qui lui est conféré pour, entre autres, demander et obtenir des avantages injustifiés de propriétaires de médias importants en Israël afin de faire avancer ses affaires personnelles, notamment quand il voulait se faire réélire”.
Lors des premiers débats, le témoignage de l’ancien PDG du site Internet d’informations Walla, Ilan Yeshua, avait montré comment le chef du gouvernement avait, à plusieurs reprises, demandé aux propriétaires et actionnaires du média d’avoir une couverture plus favorable à son égard et à celui de sa famille. Le témoignage de ce proche de Benyamin Netanyahou était venu appuyer des centaines de messages, de mails et d’enregistrements qui donnaient à voir et à entendre comment le Premier ministre avait usé de son influence pour orienter la ligne éditoriale de plusieurs médias. La police fait état d’interventions pratiquées ouvertement, et parfois quotidiennement. Pour la deuxième audience du procès, Ilan Yeshua sera de retour à la barre pour répondre, cette fois, aux questions de la défense.
“Les faits reprochés sont extrêmement graves et indignes d’un pays démocratique, déclare la responsable du bureau Moyen-Orient de RSF, Sabrina Bennoui. Ce procès symbolique révèle l’absence d'indépendance de certains médias israéliens. Leur concentration aux mains d’un petit nombre d’hommes d’affaires proches du pouvoir est très préoccupante et donne lieu à des dérives inacceptables.”
Deux affaires impliquant Benyamin Netanyahou sont particulièrement inquiétantes pour la presse en Israël. La première, qui fait intervenir Ilan Yeshua, est surnommée “l’affaire 4000”. Le chef du gouvernement y est accusé d’avoir promu des réglementations favorables au groupe de télécommunications Bezeq, détenu par Shaul Elovitch. Les faits se seraient déroulés entre 2015 et 2017, à l’époque où Benyamin Netanyahou occupait le poste de ministre des Communications en plus de celui de Premier ministre. En échange de ces services, celui qui était lors le PDG de Walla aurait garanti une couverture très favorable des activités du Premier ministre et de son épouse.
Dans une seconde affaire, la “2000”, le Premier ministre est accusé d’avoir passé un pacte avec Arnon Mozes, le patron de Yedioth Aharonot, le quotidien ayant le plus gros tirage en Israël. Benyamin Netanyahou aurait ainsi proposé de réduire l’influence de son concurrent, le quotidien gratuit Israel Hayom. En échange, Yediot Aharonot lui assurait une couverture complaisante. Le chef du gouvernement aurait, par la suite, également tenté de faire adopter une loi au Parlement destinée à limiter la diffusion des titres gratuits.
Premier chef de gouvernement de l'histoire d'Israël à faire face à des accusations criminelles en cours de mandat, Benyamin Netanyahou estime de son côté être victime “d'une chasse à l'homme".
Israël occupe la 86e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.