Invoquant de pseudo-menaces américaines, les autorités multiplient les atteintes à la liberté de la presse
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Suspension d'un quotidien, interdiction de sortie du territoire d'un journaliste, interdiction de publication d'une lettre de députés critiquant la politique de l'ayatollah Khamenei, nouvelles convocations de journalistes … ces dernières semaines, le régime de Téhéran a pris des mesures visant à museler davantage les médias.
" Décidément, le régime de Téhéran poursuit son verrouillage des médias. Plutôt que de développer et d'encourager les espaces de liberté, de démocratiser la société, ils ont visiblement choisi l'option de la fermeture, sur le plan intérieur, sous prétexte de soi-disant menaces américaines. Aujourd'hui, les autorités font clairement le choix de la répression ", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. L'organisation rappelle que huit journalistes sont actuellement derrière les barreaux en Iran.
Le 10 juin, le quotidien Kayhan, principal organe des extrémistes islamistes, n'est pas paru dans les kiosques. Quelques jours auparavant, Saïd Mortazavi, nouveau procureur de Téhéran, avait infligé un jour de suspension à cette publication pour avoir assimilé les députés (dans leur majorité réformateurs) à des " vaches ". Le groupe de presse Kayhan, qui édite des dizaines de publications conservatrices, est sous le contrôle du Guide suprême, l'ayatollah Khamenei, et proche des services secrets.
Le 3 juin, Mohsen Sazgara, directeur du quotidien réformateur Jameh (fermé), a été interdit de sortie du territoire. " Des officiers de l'aéroport ont saisi mon passeport et m'ont dit que je ne pouvais quitter l'Iran ", a-t-il déclaré à l'AFP. La veille, le journaliste avait été convoqué au ministère des Renseignements où on l'avait informé qu'une réglementation récemment approuvée par le Conseil suprême de la sécurité nationale (la plus haute instance en charge de la sécurité du territoire) interdisait à certains responsables de parler à des médias étrangers en persan. Cette interdiction de sortie du territoire le punirait d'être intervenu sur des radios étrangères. Emadoldin Baghi, journaliste au quotidien Fath (fermé) et libéré le 6 février dernier, a également été convoqué et informé de cette décision. Les autorités iraniennes se sont toujours inquiétées des propos tenus sur les radios en persan par certains journalistes qui y critiquaient le régime.
Fin mai, ce même Conseil suprême de la sécurité nationale, dirigé par le président Mohammad Khatami, a interdit à la presse de publier une lettre critique signée par plus de cent députés réformateurs. Adressée au Guide Suprême, la lettre réclamait qu'il mette fin à sa résistance aux réformes, faute de quoi la République islamique serait menacée. Pour les signataires, " la plupart des gens sont mécontents ou déçus, la plupart des intellectuels se taisent ou émigrent, toutes les réserves financières quittent le pays, encerclé de toutes parts par les forces étrangères ".
Aucun journal iranien n'a ainsi reproduit la lettre, rendue publique le 24 mai. Celle-ci n'a pu être consultée que sur le site réformateur Rouydad et celui de l'agence de presse estudiantine ISNA avant d'être retirée du Web quelques heures plus tard. Cette lettre est aujourd'hui uniquement consultable sur des sites persans basés à l'étranger.
Ces dernières semaines, dix journalistes (dont de nombreux spécialistes de la presse cinématographique) ont été convoqués par la justice. Golamreza Moussavi, rédacteur en chef de mensuel Cinema Jahan, Ali Moalem, rédacteur en chef de mensuel Doyay Tasvir, Feridon Jerani, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Cinema, Payam Fazlinejad, journaliste du mensuel Gozaresh-é-Film, Mohamad Hadi Karimi, directeur de Cinema, Alireza Bazel, journaliste et traducteur de Hayat-é-No, Houshang Golmakani, journaliste du mensuel Film, Houshang Asadi, journaliste de Gozaresh-é-Film, Nushabeh Amiri, rédactrice en chef de Gozaresh-é-Film, et Khosro Dehgan, président de l'association des écrivains et critique de cinéma, ont été convoqués par Adareh Amaken, une section de la police téhéranaise considérée comme proche des services de renseignements. On leur reproche notamment de détenir et d'avoir vendu des films vidéo jugés " immoraux ".
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20.01.2016