Inde : RSF, avec le soutien d’organisations de la société civile, adresse des recommandations au nouveau gouvernement pour garantir la liberté de la presse

Reporters sans frontières (RSF), avec le soutien des organisations de la société civile Network of Women in Media, India (NWMI), Free Speech Collective (FSC) et Internet Freedom Foundation (IFF), appelle le nouveau gouvernement indien à prendre des mesures d’urgence pour garantir la protection des journalistes et le libre exercice de leur travail.

Alors qu’un nouveau gouvernement vient d’entrer en fonction, une politique volontariste doit être mise en œuvre pour restaurer la liberté de la presse, dont l’état préoccupant vaut à l’Inde de se placer à la 159e place sur 180 pays du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024. 

RSF, avec le soutien du réseau national de femmes journalistes Network of Women in Media India (NWMI), du collectif dédié à la protection de la liberté d'expression Free Speech Collective (FSC), et de l’organisation de défense des droits numériques Internet Freedom Foundation (IFF), formule dix recommandations prioritaires aux autorités pour protéger les journalistes, réviser les lois qui restreignent le droit à l'information, garantir l'indépendance des médias, l’accès à Internet et aux médias numériques.


“L'érosion de la liberté de la presse en Inde, que l’on constate depuis une décennie, est terriblement inquiétante pour un pays, qui est pourtant signataire, du Partenariat pour l’information et la démocratie aux côtés de 52 États. Cela renvoie une image très négative sur la scène internationale, alors que l’Inde est présentée comme la plus grande démocratie du monde. Alors que les journalistes indiens souffrent d'un environnement dégradé en matière de liberté de la presse, trois organisations de la société civile indienne se joignent à RSF pour appeler le nouveau gouvernement à adopter d’urgence dix mesures clés visant à garantir la protection des journalistes et à sauvegarder le droit à l'information dans le pays.

Célia Mercier
Responsable du bureau Asie du Sud de RSF

Depuis 2019, l’Inde est en effet signataire du Partenariat pour l’information et la démocratie, qui rassemble 52 États dans le monde entier. Cette initiative lancée par RSF formalise l’engagement des États à favoriser l’accès à une information libre, indépendante, plurielle et fiable. Le texte instaure, parmi d’autres principes, le fait que les journalistes doivent être protégés dans l’exercice de leurs fonctions contre toute forme de violence, de menace et de discrimination, de détention arbitraire, de poursuite judiciaire abusive. Des modèles économiques durables permettant l’exercice d’un journalisme indépendant de qualité doivent être élaborés.

Parmi les chantiers prioritaires que doit mener le nouveau gouvernement :

1) Réviser les lois antiterroristes afin qu’elles ne soient plus utilisées pour réprimer les journalistes 

La loi sur la prévention des activités illégales (UAPA – The Unlawful Activities Prevention Amendment Bill, 2019) et la loi sur la sécurité publique (Public Safety Act) ne doivent pas être utilisées contre les journalistes comme outil de répression. En outre, l'État doit cesser d'utiliser abusivement les lois pénales pour criminaliser les journalistes.

2) Réviser les lois utilisées abusivement pour contrôler et censurer les médias

Il est urgent de revoir, en ce sens, le projet de loi sur les télécommunications (Telecom Act, 2023) ; la législation sur la protection des données personnelles numériques (The Digital Personal Data Protection Act, 2023) ; la législation Press & Registration of Periodicals Act, 2023, le projet de loi Broadcasting Bill, 2023,  et l’amendement sur les règles de l’information en ligne (Information Technology Amendment Rules, 2023), qui prévoit la mise en place d’une unité de vérification des faits (Fact Checking Unit). 

3) Mettre en place une commission d’enquête indépendante sur les cas d’espionnage de journalistes par des logiciels espions

Au moins une quinzaine de journalistes indiens ont été ciblés par le logiciel espion de NSO Group, Pegasus, entre 2021 et 2023, en toute impunité à ce jour.

4) Protéger le secret des sources des journalistes

Un régime d'exception, soumis au contrôle d'une autorité judiciaire indépendante, doit être défini pour la saisie du matériel des journalistes. C’est une condition essentielle pour la protection du secret des sources des journalistes, qui n’est pas garantie à ce jour.

5) Garantir le pluralisme en régulant la concentration des médias

Alors qu’un petit nombre d'entreprises et de conglomérats possèdent aujourd’hui un grand nombre de médias en Inde, une législation doit être introduite pour briser les monopoles et imposer des restrictions sur la propriété croisée des médias, afin de garantir le pluralisme.

6) Adopter des mécanismes de protection pour les journalistes 

Un dispositif de réponse rapide doit être mis en place, pour garantir la sécurité physique et numérique des journalistes, en particulier ceux qui font l'objet de menaces et d'intimidations. 

Des mesures doivent également être prises pour protéger les journalistes – en particulier les femmes et les membres de communautés marginalisées – contre le cyberharcèlement, pour mettre fin à l'impunité de ces attaques et pour leur permettre de poursuivre leur travail journalistique.

7) Mettre fin aux coupures arbitraires d’Internet 

L'Inde est en tête du classement mondial 2023 des suspensions d’accès à Internet, pour la sixième année consécutive. Ces coupures généralisées, décidées de manière arbitraire et sans garde-fous sont contraires au droit international, entravent le travail des journalistes et favorisent la diffusion de fausses informations et de désinformation.

8) Garantir la couverture médiatique des journalistes étrangers

Depuis 2019, des journalistes étrangers se sont vu refuser des visas et des permis de travail. Privés du droit de travailler, plusieurs correspondants ont été contraints de quitter le pays.

9) Tenir des conférences de presse

Le Premier ministre et les autres responsables de la gouvernance doivent tenir régulièrement des conférences de presse accessibles à tous les médias. 

10 ) Protéger les droits de tous les journalistes

Les journalistes, qu'ils soient salariés ou indépendants, sont de plus en plus vulnérables en raison de l'insécurité de l'emploi et de la non-reconnaissance de leur droit au travail. Leur accès aux événements publics importants est limité par les lois relatives à l'accréditation, et la légitimité des journalistes indépendants et des journalistes de plateformes de médias numériques n'est pas encore reconnue. Le gouvernement nouvellement élu doit veiller à renforcer les protections juridiques entourant le droit au travail des reporters.

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